Une approche du bonheur...



Connaissez-vous Mimosa pudica, une plante d’ornement au feuillage bien vert ? Aussi nommée Sensitive Pudique, sa particularité est de replier rapidement ses feuilles au moindre contact. Et aussi de les déployer à la lumière du jour et de les refermer le soir venu. Quoi de plus banal qu’une plante qui s’épanouit au soleil et se recroqueville dans l’obscurité, donc sensible à la lumière ? Et qui plus est avec une régularité indéfectible ! Voilà une explication logique, pleine de bon sens et simple à comprendre. Elle a tout pour plaire... si ce n’est qu’elle est fausse !

Mimosa pudica s’épanouit bien au lever du jour de même qu’elle se referme au crépuscule. Il s’agit d’un fait incontestable que chacun peut vérifier par soi-même. Mais la raison pour laquelle elle connaît ce mouvement oscillatoire n’est pas aussi flagrante qu’il y paraît. Il fallait aller au-delà des évidences pour percer ce mystère. À savoir cesser de vérifier jour après jour le mouvement d’ouverture diurne et de fermeture nocturne de la plante. Pour en avoir le cœur net, il fallait tenter l’inverse : que se passerait-t-il si la plante était placée dans un milieu obscur, à l’abri de toute lumière naturelle ?

L’expérience a été tentée1 et, à la grande surprise des botanistes, Mimosa pudica a continué de s’ouvrir et de se refermer indépendamment de la luminosité. Les scientifiques venaient de découvrir l’horloge biologique, celle-là même qui détermine nos rythmes d’éveil et de sommeil. Il a été établi par la suite que la lumière venait seulement moduler le tic-tac de l’horloge biologique, mais n’était pas elle- même responsable du rythme d’ouverture et de fermeture de la fleur.

Pourquoi cette anecdote en exergue d’un ouvrage de développement personnel ? Rassurez-vous, il ne va pas s’attarder sur les mœurs des plantes, pas plus que sur la biologie moléculaire. Son sujet est bien la psychologie pratique, dont le but est d’aider à vivre de manière plus épanouie et plus heureuse. Mais il se trouve que le développement personnel, comme la botanique ou n’importe quel autre domaine, est parsemé de théories dont toutes ne sont pas attestées, loin s’en faut !
Des explications imprécises, inexactes, voire carrément fausses, sont particulièrement présentes dans le domaine du développement personnel. Ce constat s’explique par deux raisons principales : la première concerne la popularité de la branche. De très nombreux acteurs gravitent dans ce champ, dont beaucoup se basent essentiellement sur leur expérience personnelle. Il n’y a pas besoin de faire de longues études pour pratiquer une technique de mieux- être ou de soin alternatif et en vanter les mérites sur un site Internet, dans un livre ou lors d’une conférence. Et comme pour Mimosa pudica, du moment que l’explication semble correspondre aux observations, pourquoi aller chercher plus loin ?

La seconde raison de cette prolifération de théories en tout genre se cache dans un certain désintérêt des milieux scientifiques officiels, désertion parfois même accompagnée de dédain non feint. La psychologie académique avance à petits pas, tenue à la prudence propre aux approches scientifiques. Ses vérifications sont gourmandes en ressources et en temps : les expériences qu’elle met en place ne se montent pas en une après-midi et l’analyse des résultats nécessite des connaissances poussées en mathématiques et en statistiques. De plus, ses conclusions sont nuancées, parfois difficiles à saisir et à exploiter pour le néophyte. La psychologie universitaire est une discipline ardue, nécessitant un solide bagage méthodologique : elle ne peut pas (ou plus) se contenter de quelques observations ni d’hypothèses, fussent-elles séduisantes, sur le fonctionnement du psychisme, qui n’aient pas été dûment validées au feu de l’expérimentation.

On comprend dès lors mieux l’engouement du public pour les théories en vogue dans le milieu du développement personnel : innovantes, souvent présentées comme révolutionnaires et surtout porteuses d’espoir, elles promettent des améliorations substantielles de la qualité de vie, si ce n’est le bonheur, pour peu qu’on les mette en pratique. Simples, attractives, accessibles à chacun, leur succès est assuré! Enfin, comme seuls les témoignages de celles et ceux qui ont effectivement connu une amélioration de leur existence grâce à elles sont évoqués, ces théories semblent fonctionner de manière infaillible. D’où leur nombre imposant et l’engouement jamais démenti qu’elles suscitent.
Plutôt que de théories, on devrait parler de croyances : des idées que l’on accepte une fois pour toutes, de par leur apparente logique, de par leur simplicité qui contraste avec la complexité du monde actuel, et de par le bon sens dont elles semblent procéder. Ainsi, de nombreuses croyances sont véhiculées dans l’univers du développement personnel, ce que l’on peut aisément constater en visitant les salons qui lui sont régulièrement consacrés.

Les croyances, du moment qu’elles font du bien à celles et ceux qui les nourrissent et ne nuisent à personne, méritent d’être entretenues, d’autant qu’il est difficile de vérifier l’adéquation au réel de la plupart d’entre elles. En revanche, si l’une d’elles se révèle erronée après analyse, la question devient plus délicate. On préfère parfois un mensonge qui rassure à une vérité qui dérange, surtout en ce qui concerne notre bien-être. À chacun la liberté d’y adhérer s’il le souhaite...

Certaines croyances encore sont désavantageuses par le tort qu’elles occasionnent à celles et ceux qui y souscrivent. Un patient arrêtant un traitement médical qui pourrait le sauver au profit d’une thérapeutique farfelue prônée par un personnage charismatique en fournit un excellent – et triste – exemple. Ainsi, les croyances dommageables, qui ont été invalidées grâce à des travaux de recherche dûment menés, ont tout avantage à être remplacées par des idées plus justes et surtout plus efficaces pour appréhender le réel.

Comme pour la découverte du mécanisme chrono-biologique de Mimosa pudica, il ne suffit pas de réfléchir et d’observer pour mettre à mal une idée reçue. Encore faut-il des arguments solides, à défaut de preuves !

En sciences, on ne peut jamais prétendre détenir la vérité. On se contente, ce qui est déjà appréciable, de tirer des conclusions qui resteront valides jusqu’à ce que des éléments nouveaux viennent les nuancer, le cas échéant. « Jusqu’à preuve du contraire » est l’expression consacrée. C’est pourquoi les idées-clés proposées dans ce livre sont introduites par la phrase : « Nous pouvons affirmer que...» À lire comme : « À notre connaissance et jusqu’à preuve du contraire, nous pouvons affirmer que...».

Cette prudence est aussi présente dans la façon de spécifier les fausses bonnes idées. Il serait en effet tentant de déclarer, de manière péremptoire : « il est faux que... » L’expression : « il n’est pas établi que... » lui a été préférée, laissant entendre que les travaux menés jusqu’à aujourd’hui n’ont pas permis d’établir de manière indiscutable leur adéquation à la réalité.

Le thème du bonheur donne lieu à une réflexion sur l’optimisme, les comparaisons à autrui et la pensée positive ; le fonctionnement du psychisme se décline à travers les sujets du changement, de la volonté et des émotions ; la communication inspire une discussion sur le rôle du langage non verbal ainsi que les rapports de couple, y compris la question du désir sexuel.
Bonheur, épanouissement, pensée positive, volonté, émotion, communication, désir... tous les ingrédients constitutifs d’un développement personnel de qualité! Il ne reste qu’à découvrir ces fausses bonnes idées et, surtout, celles qui peuvent leur être avantageusement substituées : de véritables bonnes idées propices à notre épanouissement, un épanouissement durable.

Yves-Alexandre Thalmann


Si cet extrait vous a plu, vous pouvez en lire plus
en cliquant sur la couverture du livre ci-dessous :

Connaissez-vous Mimosa pudica, une plante d’ornement au feuillage bien vert ? Aussi nommée Sensitive Pudique, sa particularité est de replier rapidement ses feuilles au moindre contact. Et aussi de les déployer à la lumière du jour et de les refermer le soir venu. Quoi de plus banal qu’une plante qui s’épanouit au soleil et se recroqueville dans l’obscurité, donc sensible à la lumière ? Et qui plus est avec une régularité indéfectible ! Voilà une explication logique, pleine de bon sens et simple à comprendre. Elle a tout pour plaire... si ce n’est qu’elle est fausse !