Un mot sur l’estime de soi


L’estime de soi est un sujet qui suscite de plus en plus l’intérêt des parents. Ces derniers voient en effet leurs enfants évoluer dans une société qui ne cesse d’exiger davantage en termes de qualité et de performance. Différents auteurs, professionnels et intervenants du milieu scolaire se penchent aujourd’hui sur le sujet. On considère ainsi que l’estime de soi joue un rôle important dans le développement de l’enfant, notamment en l’aidant à répondre aux défis qu’il aura à surmonter au cours de sa vie d’enfant, d’adolescent et d’adulte. Selon Diane Boily, auteure du programme TOPP (Tenir une Opinion Personnelle Positive), l’estime de soi s’exprime entre autres par le maintien d’un discours intérieur juste et positif qui s’appuie sur une perception réaliste de soi. Le discours intérieur d’une personne se développe à partir des perceptions qu’elle a d’elle-même ainsi que des influences et des opinions extérieures. La capacité d’introspection, qui commence à se développer vers l’âge de 8 ans — parfois plus tard chez l’enfant avec un trouble du langage — permet à l’individu de porter un regard conscient sur lui-même. Il reconnaît ainsi avec plus d’aisance ses forces, ses limites, ses goûts et ses repères. Avant cela, le développement de l’estime de soi passe principalement par les rétroactions positives et négatives que l’enfant reçoit de la part de son entourage : celles de ses parents d’abord, puis celles du milieu scolaire, des pairs et des proches.

Préserver l’estime de soi de l’enfant dysphasique
Selon Diane Boily, le renforcement de l’estime de soi est primordial pour assurer le maintien de la persévérance. Cette dernière passe par le succès, tout comme la moti- vation d’une personne à fournir des efforts. L’individu qui savoure une réussite se voit incité à fournir un effort encore plus grand pour revivre la satisfaction d’un nou- veau succès. Si les réussites se font rares, comme c’est souvent le cas chez l’enfant qui évolue avec un trouble de langage, la persévérance peut s’estomper graduellement. Cela nous ramène donc directement à l’importance d’adapter les stratégies d’apprentissage et de moduler les exigences de l’adulte aux capacités de l’enfant. Pour développer une perception positive de lui-même et la motivation nécessaire pour affronter les difficultés, l’enfant doit vivre des succès, même petits. Il est important de souligner les petites réussites et les efforts déployés par l’enfant avec autant d’enthousiasme, sinon plus, que le résultat en lui-même. Il peut également être nécessaire d’adapter les tâches afin de favoriser les petites victoires ultérieures. Par exemple, il est souvent intéressant de micrograduer la tâche en la divisant en différentes étapes et d’encourager l’accomplissement de chaque étape.

L’estime de soi de l’enfant qui évolue avec un trouble de langage peut être affectée par le fait que ses difficultés sont ouvertement exposées chaque fois qu’il s’exprime. Les bris de communication peuvent survenir à tout moment, notamment lorsqu’on lui demande de répéter, qu’on l’ignore parce qu’on ne l’a pas compris ou qu’on le reprend sur sa façon de parler. Ces réactions, bien que compréhensibles, peuvent toutefois devenir lourdes à porter pour l’enfant qui les subit plusieurs fois par jour. L’adulte qui accompagne l’enfant au quotidien doit ainsi résister à la tentation de se servir de chaque occasion pour l’aider à progresser et trouver un bon équilibre en ce qui concerne ses rétroactions. Il doit ainsi ajuster ses interventions pour que les reformulations ne prennent pas trop de place au quotidien et que l’enfant ne cherche pas éventuellement à éviter de parler. La réaction de l’enfant est déjà un bon indicateur : s’il modifie son message et imite l’adulte d’emblée, tout va bien, mais s’il refuse de répéter et se referme sur lui-même, il faut respecter cette réaction et trouver d’autres moyens de stimuler son langage. Il est généralement suffisant d’offrir de bons modèles correspondant au développement de l’enfant.

Lorsque l’enfant est suivi par un orthophoniste, il est bien entendu bénéfique de l’aider à généraliser ses apprentissages au quotidien. Toutefois, lorsqu’il s’y oppose ou devient réticent à l’idée de faire ses exercices de langage, le parent doit tenter de moduler son soutien et son accompagnement. Plusieurs pistes de solution sont proposées au chapitre 7. En voici quelques-unes :
◗ Intégrer subtilement certains exercices dans les acti- vités quotidiennes lorsque cela est possible. Cibler les intérêts de votre enfant et pratiquer les exercices dans les moments les plus propices.
◗ Miser sur un seul objectif à la fois (par ex.: le je dans ses demandes ou le son c dans quelques mots communs). Laisser passer les autres erreurs d’ex- pression lorsque l’effort est centré sur un objectif spécifique, surtout lorsque votre enfant ne démontre pas la disponibilité nécessaire pour en faire plus.

◗ Cibler un temps précis pour pratiquer les aspects plus techniques et s’exécuter dans le cadre d’un jeu. Choisir un moment où votre enfant est plus dispo- nible, limiter le temps pour le faire et lui expliquer qu’il doit fournir l’effort pour une durée précise et qu’il pourra ensuite passer à une activité qui l’amuse davantage.
◗ Parallèlement, multiplier les moments de plaisir pur et simple avec votre enfant. Souligner ses forces et ses réussites le plus souvent possible.
◗ Laisser l’enfant s’exprimer le plus naturellement pos- sible. Lui proposer des stratégies de communication pour alléger ses efforts (par ex., en lui demandant de montrer, imiter, mimer, en lui donnant un choix ou en lui proposant une phrase à compléter).
◗ Manifester de l’intérêt pour ce qu’il dit, se mettre à son niveau, sourire en le regardant, répéter les mots que vous avez compris et l’aider à construire son idée. Comme l’enfant ressent les efforts que les autres déploient pour le comprendre, cela peut alimenter sa motivation à continuer.

Préserver l’estime de soi dans le cheminement scolaire
La plupart des professionnels considèrent que les défis particuliers de l’enfant qui a un trouble du langage doivent être clairement présentés au personnel scolaire concerné Aussi, les adaptations qui permettent de faciliter les apprentissages gagnent à être partagées, puisqu’en plus de favoriser une meilleure intégration de l’enfant dans le processus scolaire, elles lui permettent de répondre aux exigences avec plus de facilité, de vivre des réussites et de préserver sa motivation à faire de nouveaux apprentissages. Il en est de même pour les devoirs à la maison. Pour éviter les négociations et les signes de découragement de l’enfant qui se heurte de nouveau à des tâches difficiles en fin de journée, il peut être bénéfique d’assouplir les règles. Des petites adaptations peuvent rendre la tâche plus agréable, faciliter les apprentissages et procurer à l’enfant le sentiment réconfortant d’être entendu et soutenu par son parent. Le chapitre suivant présente plusieurs exemples de stratégies d’adaptation et d’aide aux devoirs.

L’expérience scolaire joue un rôle important dans le développement de l’estime de soi. Dans ce contexte, il est recommandé de faire des ajustements afin de permettre à l’enfant dysphasique de vivre des succès à la mesure de ses capacités et, ainsi, de préserver sa motivation dans le cheminement scolaire.

Soutenir le développement de l’estime de soi
Les stratégies pour développer l’estime de soi gagnent à être concrétisées. Il est bien entendu inutile d’aborder ces notions directement avec l’enfant avant qu’il ait développé le niveau de compréhension nécessaire et une capacité d’introspection adéquate. Toutes les stratégies de renforcement positif sont utiles pour souligner les efforts et les réussites. Il est ainsi possible de faire différents tableaux de renforcement pour guider l’enfant vers un objectif tout en soulignant les efforts pour y arriver. On peut par exemple apposer un autocollant dans le tableau à la suite d’une belle période de devoirs pendant laquelle l’enfant a bien répondu aux attentes du parent, est resté calme et a demandé de l’aide au besoin, et ce, pendant une durée prédéterminée en fonction de ses capacités. On peut par ailleurs décider que l’enfant pourra obtenir un privilège lorsqu’il aura accumulé un certain nombre d’autocollants.

Les tableaux de renforcement peuvent également servir à souligner les réussites quotidiennes. Ce type de tableau permet d’aider le parent à voir les gestes positifs et les efforts que l’enfant déploie pour répondre à ses attentes. L’utilisation d’un symbole concret rend la fierté du parent tangible pour l’enfant. Les enfants apprécient ce genre d’outil, car il leur permet de développer leur estime d’eux-mêmes. Il est cependant important d’avoir des attentes réalistes et de souligner les efforts plus que les succès pour encourager l’enfant à surmonter les prochains défis qui se présenteront à lui. Le parent doit bien connaître les difficultés de l’enfant et accepter ses limites pour pouvoir se positionner à son niveau, construire ses attentes en fonction de ses capacités réelles, faire abstraction des comparaisons et constater clairement les efforts fournis. Pour développer une perception positive de lui-même, l’enfant doit sentir que son parent l’estime, qu’il est fier de lui et qu’il l’accepte inconditionnellement avec toutes ses forces et ses faiblesses. La vision réaliste du parent aidera l’enfant à développer une vision réaliste de lui-même.

Accompagner sans surprotéger
Le développement de la conscience de soi de l’individu, qui fait partie intégrante de l’estime de soi, passe par la reconnaissance et l’acceptation de ses limites et de ses responsabilités. Ainsi, le fait de pallier les difficultés de l’enfant ne permet pas à ce dernier d’en prendre conscience et de développer des stratégies pour y remédier. Même si le parent souhaite simplement lui éviter l’échec ou lui faciliter la vie, l’enfant n’est pas dupe et voit bien que le parent fait les choses à sa place. Ce ne sera jamais sa réussite à lui. De plus, il est faux de croire que cette attitude évite à l’enfant de prendre conscience de ses limites. L’intervention rapide du parent peut pousser l’enfant à conclure qu’il est incapable d’accomplir la tâche, puisque c’est le message implicite que lui envoie son parent. Il en déduit qu’il lui est inutile de fournir des efforts en ce sens. Les essais et les erreurs doivent donc plutôt être considérés comme des occasions qui permettent à l’enfant de découvrir des solutions à ses défis et de développer son autonomie et son estime de soi. L’aide du parent doit donc être constituée principalement de conseils et d’encouragements, puisqu’ils sont essentiels au développement de la confiance en soi pour l’enfant qui grandit.

Références
Boily, D. Programme TOPP (Tenir une Opinion Personnelle Positive). Publication de l’organisme ESTIME DE SOI, 2009.
Duclos, G. L’estime de soi, un passeport pour la vie. Montréal : Éditions du CHU Sainte-Justine, 2000.

 

 

Isabelle Meilleur, Annick Proulx, Tamara Bacheleet, Annik Arsenault

 

Si cet extrait vous a intéressé,
vous pouvez en lire plus
en cliquant sur l'icone ci-dessous 

Les troubles du langage chez l'enfant