Naissance : l’empreinte fondamentale, pourquoi la connaître ?

Les accompagnements d’adolescents et d’adultes que j’ai conduits ou auxquels j’ai assisté, mes propres interrogations sur ce qui faisait symptôme dans ma vie, m’ont ramenée à ce que j’appelle « l’empreinte fondamentale ».
© istock


Les accompagnements d’adolescents et d’adultes que j’ai conduits ou auxquels j’ai assisté, mes propres interrogations sur ce qui faisait symptôme dans ma vie, m’ont ramenée à ce que j’appelle « l’empreinte fondamentale ».

L’empreinte fondamentale, pour moi, est celle laissée dans le système neurophysiologique – le corps, le cœur, le cerveau, toutes nos cellules – par le voyage de la conception à la naissance.

Ce n’est pas la seule empreinte bien sûr, toutes nos expériences de vie sont inscrites en nous, c’est mécanique. À l’instar de la mémoire d’un ordinateur, tout est enregistré. Aujourd’hui, nous savons prouver que certaines expériences que nos parents ont vécues nous ont été d’une certaine façon transmises aussi24.

Des chercheurs suisses d’abord, puis québécois, ont découvert que les violences subies laissent une trace biologique dans l’ADN des victimes sur trois générations au moins. Ils l’ont prouvé à partir des violences sexuelles, c’est vrai pour tout trauma.

Demain, peut-être, nous pourrons vérifier que la transmission des problématiques transgénérationnelles se fait de façon plus large encore, comme l’ont montré Anne Ancelin Schützenberger25 ou Serge Tisseron26. Ce n’est pas mon propos ici.

Aujourd’hui, j’ai décidé de vous livrer les éléments qui jalonnent le voyage de la naissance.
Ils me semblent indispensables à connaître pour accompagner tout changement. Ils sont une source
de libération et de déculpabilisation lorsque l’on a à franchir des passages dans sa vie.

J’ai assisté médusée aux conséquences positives de leur répa- ration : elle permet de se libérer de nombreuses peurs et de leurs répercussions sur notre organisme27, de les déraciner.

Elle permet aussi de pouvoir accompagner son bébé, de faire équipe avec lui quand il arrive au monde.

Si nous n’avons pas pu faire un travail sur notre héritage trans- générationnel, connaître le processus permet au moins de savoir que l’on peut parler au fœtus et l’encourager pendant l’accouche- ment.
Plus nous pourrons être soutenus en tant que parents, en tant que nourrisson qui travaille à son arrivée au monde, plus nous naîtrons dans l’harmonie et dans l’amour au lieu de naître dans la souffrance et la violence.

La connaissance de ce qui se joue à la naissance me semble donc importante pour permettre de faire progresser la paix en nous et autour de nous.

Cela peut sembler présomptueux. Je crois pourtant qu’en permettant à notre corps de se débarrasser de ses angoisses dès que possible, nous pouvons améliorer grandement nos relations aux autres.

C’est d’ailleurs le sentiment qu’ont eu tous ceux que j’ai accompagnés dans la traversée de ce voyage alors même qu’ils ne savaient pas ce qu’ils allaient vivre à ce moment, et que moi-même, au départ, je l’ignorais.

Quelques informations sur le fonctionnement du corps en situation de stress et sur le trauma
Avant de rentrer dans le vif du sujet, quelques informations sont nécessaires sur le fonctionnement du corps en situation de stress plus ou moins intense.

En effet, c’est grandement à partir des travaux sur la façon dont fonctionne l’organisme sous stress et sur les mémoires trauma- tiques que l’on peut expliquer ce à quoi on assiste dans les revécus de naissance.

Parfois, ou souvent dans notre vie, nous nous retrouvons pris d’angoisse de façon plus ou moins forte dans des situations qui raisonnablement devraient être faciles à gérer.

Nous nous sermonnons en essayant de prendre sur nous, comme nous avons appris à le faire depuis que nous sommes nés.

Le plus souvent, nous nous parlons à nous-mêmes, reproduisant le discours que nos parents nous ont tenu, discours que leurs propres parents leur avaient tenu. C’est la solution que nous avons apprise pour gérer nos difficultés, nous n’en connaissons pas d’autres.

Ce discours ressemble plus ou moins à celui-ci :
« Allons, sois courageux, il n’y a pas de problème, ce n’est pas un petit rien qui va t’arrêter. »
Une autre variante de ce discours est : « Tout ça, c’est dans ta tête, arrête de t’écouter et prends sur toi. »
Je ne m’attarderai pas sur la variante dévalorisante : « T’es pas une lavette, vas-y ! »

Cela marche plus ou moins bien :
- au mieux, au prix d’une grande énergie, nous arrivons à faire ce qui nous est difficile ;
- ou bien nous apprenons à éviter de nous retrouver dans ces situations angoissantes ;
- au pire, nous renonçons, engrangeant dans notre cerveau des pensées dévalorisantes sur nous-mêmes, les autres et le monde.

Or, contrairement à ce que nous avons appris depuis des géné- rations, notre corps (et pas seulement notre tête !) sait pourquoi il bute devant telle ou telle situation.
On nous dit « c’est psychologique », ou bien « sois courageux ».
Cela n’a rien à voir avec le courage, la lâcheté, ou l’intelligence.
Pas plus que cela n’a à voir avec « notre tête » au sens péjoratif du terme. Non, ce n’est pas une simple vue de l’esprit.

Cela concerne le fonctionnement de notre organisme, de notre cerveau, et plus particulièrement de notre cerveau reptilien. J’y reviendrai.

Les études sur le fonctionnement de l’organisme en état de stress
Les études initiées par Hans Selyé28, Henri Laborit29, sur le stress ; et par Louis Crocq30 autour du trauma (poursuivies aujourd’hui notamment par Peter Levine31) ont permis de connaître le fonc- tionnement de l’organisme de mieux en mieux.
Je vais vous présenter ce fonctionnement de façon extrêmement simplifiée, tel que je le présente aux personnes qui viennent en consultation à mon cabinet.
Bien évidemment, cette présentation donne lieu à des raccourcis, mais l’essentiel est là.
Je préciserai tout de même que, lorsque je vais parler de telle ou telle partie du cerveau qui gère, c’est un raccourci.

 

24 Cela s’appelle le transgénérationnel www.rts.ch/video/info/journal- 19h30/3745896-des-chercheurs-de-l-unige-ont-decouvert-que-les-abus-laissent-une-trace-biologique-dans-l-adn-des-victimes.html
www.crifip.com/s-informer/presse/l-abus-sexuel-dans-l-enfance-laisse- une-trace-genetique.html
25 Professeure émérite à l’université de Nice Sophia Antipolis, elle a écrit sur les liens transgénérationnels, secrets de famille, syndromes d’anniversaire, transmission des traumatismes et pratique du génosociogramme. Anne Ancelin Schützenberger, Aïe, mes aïeux, Paris, Desclée de Brouwer, coll. « La méridienne », 1997.
26 Serge Tisseron, Secrets de famille. Mode d’emploi, Aubier ,1999.
27 Henri Laborit a été un des premiers à démontrer l’impact du stress sur l’orga-
nisme (Henri Laborit, L’Inhibition de l’action, biologie comportementale et de physio-pathologie, éditions Masson, 1980).
28 L’inventeur de la théorie du stress en 1936.
29 Directeur de recherche à l’hôpital Boucicaut, a contribué à vulgariser les connaissances sur le stress en étant l’assistant d’Alain Resnais sur le film Mon oncle d’Amérique.
30 Le précurseur de la théorie du trauma, professeur associé honoraire à l’Université René-Descartes à Paris V, président honoraire de l’Association de langue française pour l’étude du stress et du trauma.
31 Docteur en biophysique médicale (Université de Californie à Berkeley) et en psychologie (Université internationale), consultant en matière de stress pour la NASA. Réveiller le tigre, guérir le traumatisme, Socrate éditions/Promarex, 2004.
32 Antonio Damasio, professeur de neurologie, neurosciences et psychologie. Il est directeur de l’Institut pour l’étude neurologique de l’émotion et de la créativité de l’Université de Californie du Sud et également professeur adjoint au Salk Institute de La Jolla (L’Erreur de Descartes, Odile Jacob, coll. « Sciences », 2010).

 
Sylvie Prager-Séchaud

 

Si cet extrait vous a intéressé,
vous pouvez en lire plus
en cliquant sur l'icône ci-dessous 

Couverture de livre