La dépression, en sortir par le haut

Sachant que nous connaissons tous ces baisses d’humeur à un moment ou à un autre, certains en déduisent que tout le monde a déjà souffert de dépression. Or, il ne s’agit pas de cela ou, du moins, il ne s’agit généralement pas de dépression clinique ni de maladie dépressive. La vérité est que la dépression clinique est une maladie terrible dont nous n’avons heureusement pas, pour la plupart d’entre nous, la moindre notion. C’est bien là l’une des épreuves auxquelles sont confrontées les personnes qui souffrent de cette pathologie: leurs interlocuteurs leur affirment d’un air entendu qu’ils ont souvent connu le même problème et que, dans une telle situation, le mieux est de se secouer et de vaquer à ses occupations avec détermination et courage. Non, Mesdames, Messieurs, vous n’avez pas connu cela. Par conséquent, cessez d’aggraver les choses en donnant des conseils à tort et à travers. Si vous voulez vraiment vous rendre utiles, tâchez de comprendre que la personne que vous avez en face de vous traverse des moments véritablement accablants.

 

« Oh, non, déjà lundi matin! Pas envie de me lever ! Il est beaucoup trop tôt, j’ai une longue semaine qui m’attend, trop de boulot, et j’ai besoin de vacances. La déprime ! »

Tous les lundis, c’est la même chose. Ce n’est qu’une fois que je suis déjà en retard que je m’arrache de mon lit en grognant.

Le lundi ne m’a jamais réussi et, à chaque fois, il me faut un bon moment pour retrouver le moral. Ce n’est pas que je déteste mon travail, bien au contraire, je l’aime beaucoup. C’est simplement que je préfère me reposer ou me distraire et que, chaque lundi, la possibilité de m’adonner à ces plaisirs me paraît bien loin.

Sachant que nous connaissons tous ces baisses d’humeur à un moment ou à un autre, certains en déduisent que tout le monde a déjà souffert de dépression. Or, il ne s’agit pas de cela ou, du moins, il ne s’agit généralement pas de dépression clinique ni de maladie dépressive. La vérité est que la dépression clinique est une maladie terrible dont nous n’avons heureusement pas, pour la plupart d’entre nous, la moindre notion. C’est bien là l’une des épreuves auxquelles sont confrontées les personnes qui souffrent de cette pathologie: leurs interlocuteurs leur affirment d’un air entendu qu’ils ont souvent connu le même problème et que, dans une telle situation, le mieux est de se secouer et de vaquer à ses occupations avec détermination et courage. Non, Mesdames, Messieurs, vous n’avez pas connu cela. Par conséquent, cessez d’aggraver les choses en donnant des conseils à tort et à travers. Si vous voulez vraiment vous rendre utiles, tâchez de comprendre que la personne que vous avez en face de vous traverse des moments véritablement accablants.

Parmi les descriptions que des patients dépressifs m’ont faites de leur expérience, certaines m’ont particulièrement frappé : « C’est comme tomber dans un puits sans fond : vous êtes entouré d’obscurité, et le minuscule cercle de lumière au-dessus de vous ne cesse de se rétrécir encore et encore jusqu’à disparaître. » Ou encore : « On se retrouve piégé dans un enfer, sans réconfort, secours ni espoir. » Un lundi matin ! Au moins, si votre interlocuteur pouvait concevoir l’énormité d’une telle expérience, vous vous sentiriez moins seul, et ce serait déjà beaucoup.

Le problème vient en partie du nom donné à cette pathologie. Le mot « dépression » évoque ce que je ressens le lundi matin, mais en réalité cela ne s’en rapproche en rien. D’un côté, il s’agit d’une perturbation émotionnelle relativement bénigne et passagère, de l’autre, il s’agit d’une grave maladie qui cause une souffrance considérable. Quand je suis le plus expansif, j’aurais envie d’appeler cela la «maladie de Cantopher», car cela suggère une maladie vraiment grave, mais mes collègues penseraient que j’ai la folie des grandeurs. C’est pourtant un point essentiel : pour pouvoir se remettre de cette maladie, le plus important est de comprendre que cela en est une.

Les personnes atteintes de maladie dépressive ont souvent droit à maints conseils inutiles. Le plus fréquent, et peut-être le pire, est le fameux: «Ressaisis-toi!» Si j’avais gagné un dollar à chaque fois qu’un de mes patients subissait ce genre d’injonction, je serais aussi riche que Bill Gates. C’est tellement insensé! Si le patient en question avait eu la possibilité de se ressaisir, il l’aurait déjà fait depuis longtemps. Comme on le verra plus loin, il n’est généralement pas du genre à fuir devant la première difficulté. Quoi qu’il en soit, à quoi peut bien rimer ce type de conseil ? Pensez-vous vraiment que celui qui l’entend va se frapper le front en disant : « Mon dieu, merci, je n’y avais pas songé. Heureusement que vous me le dites ! Je vais tout de suite me ressaisir, et puis tout ira bien » ? Je ne le crois pas.

Prenez garde: en tenant ce genre de propos à une personne dépressive, vous risquez de la blesser, et peut-être même de lui nuire gravement. En cas de doute, abstenez-vous. Votre compréhension, votre patience et votre sympathie lui seront bien plus précieuses que n’importe quel conseil, aussi avisé soit-il.

L’ironie est que les amis et les proches du patient sont souvent ceux-là mêmes qui se permettent de donner leur avis. Dans leurs discours – qui partent d’une bonne intention –, ils font référence à leur propre expérience: « Allez, prends-toi en main, trouve-toi de nouveaux centres d’intérêt, fais-toi de nouveaux amis, sors davantage, je vais te montrer, moi, comment on s’y prend pour passer de bons moments. »

Ce conseil peut sembler plein de bon sens, mais si vous le suivez, votre état ne fera qu’empirer. Bien sûr, ce ne sont pas seulement les autres qui créent des problèmes avec leur ignorance de la maladie, ce sont aussi les patients eux- mêmes. Souvent, je constate que ces derniers se traitent plus durement qu’ils ne le feraient avec quelqu’un d’autre. La culpabilité et le dégoût de soi sont des symptômes de cette pathologie, mais ils font aussi partie des causes. Cessez donc de vous en vouloir d’avoir cette maladie, et ne vous adressez pas des paroles que vous n’adresseriez pas à quelqu’un d’autre. À propos d’une amie souffrant d’une maladie grave et débilitante, je ne pense pas que vous diriez : « Regardez-la comme elle est faible et molle, c’est lamentable. Elle devrait se ressaisir et cesser d’être aussi paresseuse ! » Arrêtez d’adopter cette attitude et soyez compréhensif envers vous-même. Un bon point de départ consistera à déterminer quel est ce mal qui vous affecte véritablement.

La plupart d’entre nous ignorent la souffrance causée par une dépression clinique. Mais quelle est cette maladie, qui affecte-t-elle, pourquoi, et que peut-on y faire? Dans ce livre, je m’efforcerai de répondre à ces questions, bien qu’il me faille préciser que je n’aborderai qu’une seule forme de dépression, à savoir la dépression engendrée par le stress. Mes propos ne s’appliqueront pas toujours à la maladie maniaco-dépressive (ou trouble affectif bipolaire), à la dépression liée à un deuil, à la dépression en tant que complication d’une autre maladie, à la dépression postnatale, au trouble affectif saisonnier (TAS) ni à la dépression liée à des problèmes de personnalité à long terme. Il s’agit là d’afflictions distinctes, auxquelles un bon nombre d’excellentes études ont été consacrées et que je n’aborderai que très rapidement. Cela dit, une grande partie des stratégies présentées ici sont adaptées au traitement d’une dépression quelle qu’en soit la source.

Vous ne trouverez pas dans ce livre un compte rendu exhaustif de toutes les approches et explications de la maladie dépressive. Je n’aborderai que les théories et traitements qui me semblent essentiels. Ce que vous trouverez ici, c’est la synthèse de ce que mes patients m’ont raconté au cours de leurs séances : je crois que nous avons des choses à apprendre de leur sagesse, de leurs expériences et de leurs erreurs. Je ne veux pas dire que ces gens sont tous des « grosses têtes », loin de là. Certes, la plupart des patients que j’ai traités pour cette pathologie ont gagné mon admiration et mon respect, mais pour bien d’autres raisons. Une mère qui fait tout son possible pour subvenir aux besoins de ses cinq enfants, ou un réfugié qui se bat pour faire vivre sa famille et qui doit en même temps affronter l’hostilité de ses voisins, risque la dépression tout autant que le président d’une grande entreprise. Ce qu’ils ont en commun, c’est ce dont traite ce livre, et je les aime pour cela.

Encore une chose. Si vous êtes atteint d’une maladie dépressive sévère, vous ne serez pas capable de vous concentrer très longtemps. N’essayez pas de lire plus d’une page ou deux à la fois : vous oublieriez une grande partie de ce que vous auriez lu. Relisez autant que nécessaire. Dans un premier temps, concentrez-vous sur les chapitres 1 et 5. Vous pourrez lire le reste quand vous vous sentirez un peu mieux et quand vous pourrez vous concentrer un peu plus longtemps. Avant de commencer, sachez qu’il n’y a pas lieu de se décourager. On peut guérir de la dépression et, en faisant les bons choix, on peut rester en bonne santé.

Dr Tim Cantopher

 

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