Couple : la violence en coulisse



En regardant le théâtre des couples pendant toutes ces années d’accompagnement, je ne peux que souligner l’extrême diversité des situations qui se jouent entre les amants, entre les partenaires. Il en ressort tout de même, le plus souvent, une perte de désir, un essoufflement du couple et de mul6ples formes de symptômes névrotiques11. La souffrance due à l’insuffisance de vitalité est consciente. Elle est connue. Elle est plus forte que soi.

Mais, le plus souvent, la perte du désir sexuel laisse place à la violence. Elle s’exprime par le combat, la fuite ou l’indifférence. Il s’agit en quelque sorte de détruire l’autre afin que sa présence en soi ne soit plus insupportable. Supprimer la différence de l’autre, c’est l’empêcher d’exister. On fait comme si l’autre n’existait plus. On organise sa vie sans l’autre. L’autre ne fait plus partie de ce qui fait plaisir.

Cette violence souterraine n’est pas toujours perceptible dans un couple où domine le manque d’engagement. Pourtant, elle est au moins présente dans l’expression de la sexualité, aussi bien dans l’expression forte du désir que par l’interruption de celui-ci. La sexualité est toujours animée par un fond de violence.

Dans tous les cas de dépression du couple, la sexualité est conflictuelle, ennuyeuse ou absente. On ne se caresse plus, on se baise parfois. La femme qui se sent de plus en plus prise comme un objet s’oblige à l’acte sexuel pour avoir la paix. L’homme dont l’identité sexuelle est ébranlée décharge la tension psychique accumulée dans l’acte sexuel. Les deux partenaires sont en souffrance. Ce schéma peut bien sûr être inversé et faire l’objet de nombreuses variantes.

Puis, peu à peu, les dysfonctionnements sexuels prennent le dessus. L’homme a du mal à garder son érection. La femme ne lubrifie plus. La pénétration est devenue douloureuse. La femme n’a plus d’orgasme, l’éjaculation de l’homme est prématurée, etc. Ces dysfonctionnements sont parfois présents au début de la rencontre et ne sont pas forcément le résultat direct de la confrontation du couple. Ils risquent cependant de précipiter rapidement le couple vers l’incompréhen sion et la perte de désir. Consciemment, le partenaire n’en veut pas à l’autre défaillant, mais inconsciemment, il lui en veut de ne pas être celle ou celui qu’il désire qu’elle ou qu’il soit. La frustration qui fait violence déplace le désir de fond sur d’autres aspects de la vie, du quotidien ou d’autres voies de réalisation.

En écrivant ces lignes, je revois affectueusement des personnes que j’ai accompagnées dans leurs conflits et leurs questionnements. Ce que je rapporte ici n’appartient pas à un seul couple, mais est l’expression condensée de ce qui s’exprime dans beaucoup de couples que j’ai rencontrés.

Je présente ci-après quelques aspects de ce qui se passe dans l’inieme du couple et se révèle dans l’inièmme de la thérapie de couple. Des séquences viendront étayer les différentes phases de ma recherche, en rapport avec la discordance d’un couple, les luttes de pouvoir qui le traversent et les fantasmes qui séparent au lieu d’être un facteur d’érotisation de la vie à deux.

Les premiers contacts avec Georges et Hélène me donnaient l’impression d’un couple harmonieux, un couple qui savait communiquer. Ils avaient le sourire. Ils semblaient détendus. Je ne pouvais qu’imaginer que tout allait pour le mieux. J’aurais même pu me questionner sur la pertinence à venir consulter un thérapeute de couple.

Mais après quelques séances, ils ont pris conscience de la violence qui les traversait dans leur face-à-face. Leur vie était faite de non-dits.

« Je me sens bien. Nos relations sont pacifiées. Il y a de l’agacement. Mais ça ne part pas dans tous les sens comme avant. »
Le thérapeute : « Et votre in6mité, comment se vit-elle ? »

Hélène : « Pour l’intimité, ce n’est pas terrible. C’est peut-être le prix temporaire à payer. Il y a du manque et de la frustration. Ce n’est donc pas satisfaisant non plus. J’aspire à autre chose. »

Georges : « Oui, l’intimité est à retrouver. On ne s’agresse pas. Qu’est-ce que l’on peut vraiment partager ? C’est un peu compliqué. C’est un peu silencieux. Il faudra bien que l’on secoue le cocotier pour avoir un peu plus de vie. Mais il vaut mieux ça que la guerre. On n’a plus du tout envie de s’emmerder comme avant. »

Ils parlent de certaines crises qu’ils ont traversées quelques années auparavant.
Je sentais toute la réserve qu’ils avaient à s’exprimer. Chacun avait envie de préserver l’autre de peur de remettre à vif les vieilles bles sures. Quand je dis « je sentais », j’emploie une expression qui n’est pas ajustée. On ne peut pas sentir pour les autres. On ne peut qu’imaginer ou projeter des parties de soi issues de sa propre expérience. Parfois, notre propre vécu intérieur entre en résonance avec celui de l’autre. D’autres fois, on est à côté de la plaque. Il est bon de toujours vérifier ce que l’on projette chez l’autre. C’est l’autre qui peut savoir et pas nous. C’est aussi un des aspects fondamentaux de la vie en couple. On ne peut pas savoir pour l’autre. Aussi, on a intérêt à apprendre à exprimer son propre ressenti de façon claire pour pouvoir le partager avec l’autre de manière non blessante et intelligible pour lui. C’est in dispensable à la communication du couple.

11 L’origine résulte de l’absence ou de l’inadéquation des satisfactions (mésententes, conflits, manque d’attention...) et des satisfactions sexuelles (abstinence, perte de désir, dysfonctionnements, orgasmes insuffisants ou absents, etc.). Le symptôme n’est pas forcément en rela6on directe avec un conflit infantile.

 

 Michel Bonhomme

 

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