Choisir le pardon, choisir la vie



Nul ne peut vivre qu’en fonction de lui-même. Des milliers de fibres nous lient à nos frères ;
parmi ces fibres, tels des liens de sympathie, nos actions se transmuent
en cause et nous reviennent sous forme d’effets.
                                                                                                    Herman melville

Des milliards d’êtres humains se côtoient chaque jour sur cette terre. Dans l’existence de chacun d’entre nous, les interactions avec autrui sont incessantes. En effet, si nos ancêtres, eux, pouvaient passer des semaines sur leur lopin de terre en contact avec assez peu de gens, nous sommes maintenant, pour la plupart, en interaction constante avec une foule de personnes tous les jours de notre vie. Plus ces gens sont généreux, serviables, évolués, plus nos rapports avec eux sont faciles, harmonieux, agréables. À condition, bien sûr, d’être soi-même une personne ouverte d’esprit, consciente des autres et heureuse. Car, comme nous le verrons plus loin, c’est en cultivant en soi-même les qualités qui mènent à l’état de sérénité que nous pouvons tisser avec les autres des liens riches et stimulants.

En fait, le secret fondamental des relations harmonieuses se situe à un niveau plus élevé que la politesse et le savoir- vivre. On pourrait le résumer ainsi : il est nécessaire de faire un certain cheminement en soi-même pour être capable de donner, de partager et, donc, d’établir des liens véritables. Nous l’avons tous expérimenté : lorsque nous ne cherchons qu’à prendre, qu’à recevoir, les autres nous déçoivent. Mais dès que nous nous efforçons, au contraire, de leur apporter quelque chose, de les rendre plus heureux, l’énergie de l’amour recommence à circuler librement et nous faisons l’expérience extraordinaire d’une réelle harmonie. Alors, les obstacles s’évanouissent, car nous ne voyons plus notre vie sous l’angle de notre petit moi, de l’ego. Alors, nous sommes véritablement reliés à l’énergie illimitée de l’amour inconditionnel.

Se prendre en main
Lorsque cette énergie se trouve bloquée par des événements du passé, lointains ou récents, par des outrages que nous avons jugés impardonnables, il nous faut défaire ces blocages. Ces blessures non résolues nuisent au sentiment, si précieux, de la paix intérieure. Ce sont autant de grains de sable dans les mécanismes internes de notre sérénité. C’est pourquoi le pardon est si essentiel : l’amour qu’il génère est si fort qu’il permet de vaincre la souffrance engendrée par les offenses subies. Les situations où nous pouvons avoir recours à ses bienfaits sont innombrables.

L’histoire d’Antoine illustre bien ce que le pardon peut faire pour nous quand nous croyons que plus rien ne peut guérir une peine profonde infligée par une personne que nous chérissions. Lorsqu’il était jeune, Antoine tomba follement amoureux de Loretta, une Américaine de passage au pays pour son travail. Pendant plusieurs mois, ils sortirent ensemble et vécurent une grande passion. Il était même question de mariage lorsque, sans crier gare, Loretta disparut en laissant une simple note disant que cet amour n’était pas possible. Du jour au lendemain, Antoine se retrouva seul, sans aucun élément qui pût l’aider à comprendre ce qu’il était advenu de sa bien-aimée. Il n’eut plus jamais de nouvelles de cette compagne avec qui il croyait passer le reste de sa vie.

Les premiers mois, Antoine tenta par tous les moyens de retrouver Loretta ; il alla même dans sa ville natale, aux États-Unis, pour tenter de l’apercevoir par hasard, mais en vain. Il essaya par tous les moyens de savoir ce qui avait bien pu se produire. Chaque jour, il se lançait dans de nouvelles hypothèses. Avait-elle cessé de l’aimer, tout simple- ment ? Mais pourquoi alors ce départ subit qui ne pouvait que lui causer une peine atroce ? Se pouvait-il qu’elle ait été mariée et qu’elle lui ait caché la vérité tout ce temps ?

Désespéré, Antoine s’épuisait à examiner toutes les hypothèses et dilapidait ainsi toutes ses forces. Il sombra même dans une dépression qui dura plusieurs mois. Il était triste et en colère, il avait perdu goût à tout et passait beaucoup de temps enfermé chez lui à ressasser sa malheureuse histoire. C’est alors qu’au travail il se lia d’amitié avec un collègue, Raymond, à qui il raconta ce qu’il venait de vivre. En fait, Antoine craignait de passer encore des années à broyer du noir, et Raymond lui conseilla de cesser de se torturer ainsi, de ne plus chercher à comprendre ce qui avait bien pu se produire dans la vie de Loretta pour qu’elle se sauve ainsi.

Raymond parla longuement à Antoine des bienfaits du lâcher-prise en ce qui concerne les situations auxquelles il est impossible de changer quoi que ce soit. Il lui prêta quelques livres sur la spiritualité et l’engagea à changer complètement sa façon de voir ce qu’il venait de vivre. « Lorsqu’une personne que nous aimons nous offense, nous blesse au plus profond de nous, lui dit-il, nous devons tout faire pour nous sortir du gouffre qui nous attire. Il faut choisir la vie, il faut choisir de recommencer à neuf. Si tu réussis à pardonner à Loretta dans ton cœur, tu réussiras à te libérer. Si tu n’y arrives pas, tu perdras des années à te morfondre. »

À partir de ce moment, Antoine cessa de se terrer chez lui. Il décida de pardonner à son ex-petite amie pour ce qui s’était produit, même s’il trouvait très difficile de ne pas savoir la vérité. Il recommença à voir ses amis et, peu à peu, remonta la pente. Un an plus tard, il rencontra de nouveau l’amour et, cette fois, aucune mauvaise surprise ne survint. C’était bien l’amour véritable. Et parfois, aujourd’hui, lorsqu’il repense à la triste fin de son histoire d’amour avec Loretta, il lui arrive de se dire que cela n’a pas eu que du mauvais puisqu’il a ainsi découvert la voie du pardon et de l’acceptation.

L’histoire d’Antoine montre bien qu’il est toujours possible de se prendre en main et de refuser de se laisser mettre K-O par une expérience malheureuse. Un jour ou l’autre, chacun de nous peut vivre une souffrance telle qu’il n’aura qu’une envie : se terrer dans son coin et ruminer le passé. Heureusement, il y a une autre possibilité, quel que soit le mal auquel nous devions faire face : aller de l’avant et faire le choix du bonheur en renouant avec nos forces intérieures...



 

Virginia  Clarke         

                        
                                                                              

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