Aimer ou juger / La décision de chaque instant

 Les jugements sont des mines antipersonnel, ou, ce que je nomme, « des mines antipersonnes ». Ils font du tort à tout le monde sans distinction. Il importe en effet d’appréhender ce que sont les jugements, et surtout leurs conséquences sur notre santé et sur la qualité de nos relations pour comprendre pour- quoi il est important de les éviter. Alors pourquoi les jugements seraient aussi dangereux que les mines antipersonnel ?


Un bonheur authentique demande un réel lâcher-prise
par rapport à nos jugements

Les jugements sont des mines antipersonnelles
Les jugements sont des mines antipersonnelles, ou, ce que je nomme, « des mines antipersonnes ». Ils font du tort à tout le monde sans distinction. Il importe en effet d’appréhender ce que sont les jugements, et surtout leurs conséquences sur notre santé et sur la qualité de nos relations pour comprendre pour- quoi il est important de les éviter. Alors pourquoi les jugements seraient aussi dangereux que les mines antipersonnelles ?

La raison en est que les jugements déclenchent toujours des émotions. Les jugements positifs : « Elle est vraiment intelligente ! », « Qu’est-ce qu’il est charmant ! » déclenchent des émotions agréables telles la joie, la fierté ou l’enthousiasme par exemple.

Les jugements négatifs (appelons-les ainsi pour l’instant, nous développerons la typologie des jugements au chapitre suivant) comme : « Il ne m’aime pas ! », « Elle ne fait aucun effort ! » déclenchent, eux, des émotions désagréables et destructrices telles que la colère, le ressentiment, la tristesse ou la peur, par exemple.

Constatons avec humilité que nous entretenons souvent des jugements négatifs. Intéressons-nous donc à ceux-ci d’un peu plus près.

Les mines antipersonnel ont des déclencheurs, comme toutes les bombes, et leurs déclencheurs sont les jugements. Dès qu’un jugement négatif apparaît, une émotion désagréable et destructrice est générée, dont l’intensité dépend du contexte et du type de jugement (nous verrons cela aussi au chapitre prochain).


Voici quelques exemples :
- « On ne peut jamais compter sur lui » est un jugement qui déclenchera vraisemblablement, suivant le contexte, une émotion de rancœur, de tristesse ou de colère.

- « Ces étrangers sont manipulateurs, c’est dans leur culture » est un jugement qui déclenchera vraisem- blablement, suivant le contexte, une émotion de peur ou de dégoût.

- « Elle ne fait pas beaucoup d’efforts » est un jugement qui déclenchera vraisemblablement, suivant le contexte, une émotion de rancœur, de tristesse ou de colère.

- « Ces politiques, tous des corrompus » est un jugement qui déclenchera vraisemblablement, suivant le contexte, une émotion de colère, voire de haine ou encore de déception.

Les émotions désagréables et destructrices sont, en fait, toujours accompagnées de jugements négatifs. Ceux-ci les déclenchent ou les entretiennent en étant présents en fili- grane dans l’esprit de la personne qui rumine. Lorsqu’ils les alimentent, ils agissent comme de l’huile sur le feu, ils ne font qu’empirer la situation et renforcer l’explosion émotionnelle.

On imagine aisément l’escalade émotionnelle dans le for intérieur de cette personne qui a attendu en vain son amie.
« Elle est encore une fois en retard » (émotion désagréable d’intensité faible, disons la contrariété).
« Elle est toujours en retard, c’est vraiment pas sympa. » « En fait, c’est un manque de respect, ce retard. »
« Elle ne me respecte pas. »
« C’est odieux ! »
« C’est vraiment une hypocrite ! » (émotion désagréable d’intensité forte, disons la rage).
Comme le disait Épictète : « Ce qui trouble les hommes, ce ne sont pas les choses, ce sont les jugements qu’ils portent sur les choses. »

Si on y réfléchit, il n’y a pas d’émotions sans juge- ments. Les acteurs le savent bien, eux qui doivent jouer la palette d’émotions humaines de la manière la plus vivante, comme s’ils vivaient réellement l’émotion qu’ils expriment. Pour ce faire, une des techniques qui fonctionne à merveille est de penser des jugements négatifs que l’on porte sur d’autres individus. Essayez de jouer une émotion sans penser en même temps, c’est comme essayer de lancer un ballon gonflé d’air et non de gaz dans le ciel... Il va vite retomber. C’est en pensant, en fait, en jugeant que l’on va alimenter l’émotion négative, la faire perdurer.

La plupart des émotions négatives humaines (excepté les émotions dites « primaires », qui agissent plus comme des réflexes de survie) sont donc déclenchées et alimentées par nos jugements. Dès que l’on juge, c’est la porte ouverte aux émotions désagréables et destructrices de notre santé.


Tout comme les mines antipersonnel qui blessent ou tuent tout le monde sans distinction, les jugements négatifs créent, on l’a constaté, des émotions désagréables chez ceux qui les émettent, mais aussi, potentiellement, chez ceux qui les reçoivent ou les entendent. Personne n’aime, évidemment, entendre des jugements à son encontre. L’émotion est ainsi générée conjointement chez celui qui émet le jugement négatif et chez celui qui le reçoit.

Allons plus loin ; les entendre sans en être la cible crée également des émotions désagréables. Les neurosciences sociales l’ont démontré récemment avec le concept du cerveau neuro-social et celui du concept de la résonance cellulaire.

Les recherches sur le cerveau neurosocial
Les recherches sur le cerveau neurosocial nous apprennent que sans nos neurones miroirs, aucune relation, culture, humanité ne pourrait exister. Les neurones miroirs ont pour fonction de simuler mentalement les émotions d’autrui. Ainsi, certains neurones, qui s’activent si on accomplit une action, vont aussi se mettre en action si on regarde quelqu’un d’autre accomplir la même action.

Notre cerveau, en fait dès la naissance, « mime » les actions qu’il voit accomplir par d’autres, comme si c’était lui qui agissait. Ou bien, il se mime lui-même, en imaginant une sensation ou une action, provoquant la même activité neuronale que s’il sentait ou agissait pour de bon. Vus du dehors, nous pouvons être immobiles et silencieux, alors qu’à l’intérieur, nos neurones « dansent », « mangent » ou « jouent du piano », ou ressentent une émotion déclenchée par un jugement d’autrui.

Ainsi en voyant une personne souffrir – si elle juge et qu’elle est en colère, par exemple –, nous ressentons aussi sa souffrance grâce à nos neurones miroirs. Ce processus existe dès la naissance. Grâce aux neurones miroirs, quand la mère ou le père parlent au bébé, les groupes de neurones actifs des parents vont être « photocopiés » par le cerveau du bébé, reproduisant les mêmes connexions neuronales ! Nous « attrapons » pour ainsi dire les émotions des autres comme des virus, en positif comme en négatif.

Nos neurones entrent donc sans arrêt en résonance avec les neurones d’autrui. Si quelqu’un nous agresse en hurlant, ce seront les mêmes zones qui, en quelques secondes, seront activées dans notre cerveau, que nous le voulions ou non. Si quelqu’un juge et ressent donc une émotion désagréable, nous ressentirons la même émotion, que nous le voulions ou non. Bien sûr, l’effet sera sans doute atténué par notre propre état émotionnel ; cependant, il sera ressenti, même si nous n’en sommes pas conscients. On peut ainsi supposer que passer des années de vie en présence de personnes qui jugent en perma- nence autrui a des effets extrêmement pervers sur notre santé émotionnelle. Parfois, la cause de notre mal-être se situe simplement à ce niveau.

Que nous le souhaitions ou non, tous nos neurones miroirs sont mobilisés par la pression mimétique de l’entourage. S’en- tourer de personnes qui jugent est donc un risque pour notre santé émotionnelle.

Les recherches sur la résonance cellulaire
Les recherches sur la résonance cellulaire sont également fascinantes et riches en leçons de vie. Comme nous le savons, les émotions sont, en fait, constituées de plusieurs composantes, telles les expressions faciales, les comportements physiques, et aussi de substances chimiques qui vont inonder nos cellules. À chaque émotion correspondent des substances chimiques spécifiques qui lui sont dédiées (adrénaline, cortisol, noradré- naline, sérotonine etc.).

Ces recherches sur la résonance cellulaire portent précisément sur le fonctionnement de nos cellules et montrent que pour survivre, les organismes vivants, dont nos cellules, doivent recevoir et interpréter les signaux de l’environnement. De fait, leur survie est directement liée à la vitesse et à l’efficacité du transfert des signaux.

On sait que les cellules communiquent entre elles par la voie chimique. Or la vitesse d’un élément chimique diffusible se situe bien en dessous d’un centimètre à la seconde alors que la vitesse de transmission des signaux électromagnétiques est de 300 000 kilomètres à la seconde. « Les signaux énergétiques sont donc infiniment plus efficaces et plus rapides que les signaux chimiques physiques. » Ainsi, comme l’avance le célèbre biologiste Bruce Lipton1 : « Il est dès lors facile de deviner quel type de signal préfèrent les milliards de cellules dont chacun de nous est constitué. »

Dès lors, les cellules communiquent entre elles dans le corps par voie chimique et aussi avec les cellules des autres êtres vivants par voie électromagnétique. Voilà qui jette un nouveau regard sur nos rapports interhumains, n’est-ce pas ?

Allons encore un pas plus loin : en termes énergétiques, on parle d’interférences, qui sont des phénomènes consécutifs à la rencontre de deux ou plusieurs flux d’énergie.

Les ondes qui se rencontrent peuvent ne pas être en phase, voire en opposition de phase. Elles annulent alors mutuelle- ment leurs effets, et on parle d’interférences destructrices. Les interférences peuvent être constructives (amplification de l’énergie) ou destructives (diminution de l’énergie). Alors, selon Lipton : « Les recherches scientifiques lancées dans ces domaines confirmeront ce que « savent » déjà, sans l’avoir réalisé, le scientifique et le non-scientifique : tout organisme, y compris l’humain, communique avec son environnement et le décode en évaluant les champs d’énergie. »


Oui, car chacune de nos cellules vibre, nos organes vibrent, nos os, muscles, tendons, nerfs, etc. vibrent aussi. Par la loi de la résonance sympathique, tout objet ou système physique, biologique, mécanique, électrique ou magnétique est dit « résonant » lorsque son état d’équilibre est modifié par une sollicitation externe, ou vibration, générée à une fréquence identique. Il emmagasine alors de l’énergie à cette même fréquence correspondant donc à sa fréquence de résonance qui le fait vibrer. C’est ce qu’on appelle la « loi de vibration sympa- thique ».

En clair, les émotions sont comme des diapasons avec des fréquences de résonance. Nous avions vu que fréquenter des personnes qui émettent des jugements nous affecte de par le travail de nos neurones miroirs ; à cela, nous pouvons rajouter que nous entrons en résonance cellulaire et émotionnelle également avec ces personnes.

Certains me diraient que cela n’est pas si grave et que, d’ailleurs, ils n’en ressentent pas les effets et restent neutres et non affectés par ces jugements émis dans leur entourage. Rien n’est moins vrai. Un effet d’accoutumance vient nous enlever notre sensibilité, telles ces personnes qui se sont habituées à vivre dans le bruit, le désordre ou la crasse, et finissent par trouver cela normal et non dérangeant.

La dépendance chimique aux jugements et aux émotions destructrices
Cet effet d’accoutumance existe aussi au niveau cellulaire et explique bien des cas de dépendances émotionnelles.

En fait, toutes les addictions (jeu, drogue, sexe, tabac, sucre...) sont reliées à la recherche d’émotions et à l’addiction cellulaire. Seulement voilà, nous sommes cellulairement accros aux émotions positives, mais aussi négatives1.

Pourquoi ? Parce que derrière chaque émotion positive et négative, il y a des molécules qui, sécrétées, pénètrent nos cellules. Nos cellules, habituées aux molécules (neuropeptides) de chaque émotion répétée, modifient leurs structures (multiplication de récepteurs spécifiques, disparition d’autres) et nous font adopter certains comportements spécifiques tels que, par exemple, les plaintes constantes, les jugements à l’emporte-pièce ou les éternelles suppositions négatives, et ce pour recevoir leur dose chimique.

En clair, si nous n’arrivons pas à gérer nos émotions et à stopper nos jugements, c’est que nous en sommes dépendants chimiquement.

Cette dépendance chimique existe grâce à la sécrétion des molécules contrôlées par notre amygdale et notre hypothalamus, eux-mêmes contrôlés par notre interprétation de notre environnement.
Par des mécanismes cellulaires complexes, la cellule modifiée par cette chimie moléculaire liée à des émotions négatives ne peut plus fonctionner sans elle, ce qui a pour conséquence un effet de manque immédiat.

Tels ces couples qui ne peuvent pas s’empêcher de se disputer tous les trois jours...
Tel cet homme qui ne peut s’empêcher de râler sur tout et rien à la fois...
Telle cette femme qui se plaint constamment...

Telle cette personne qui s’inquiète régulièrement sans raison...

Afin de pallier cet effet de manque, nos cellules activent la répétition ou la création de pensées sous forme de jugements, et aussi de comportements enregistrés pour déclencher la produc- tion des molécules spécifiques liées aux émotions dont elles sont devenues dépendantes.

On le constate : sans conscience, nous sommes gouvernés par nos cellules.

Ainsi, tout comme les mines antipersonnel qui blessent ou tuent tout le monde sans distinction, les jugements négatifs créent, on l’a constaté, des émotions désagréables chez ceux qui les émettent, mais aussi potentiellement chez ceux qui les reçoivent ou les entendent, et ce par un triple phénomène : les neurones miroirs, la résonance cellulaire et la dépendance chimique aux émotions destructrices. Ces réflexions étant là non pour nous déprimer, mais pour nous inciter, comme le dit l’adage populaire, à tourner sept fois sa langue dans sa bouche avant de juger. Même penser nos jugements sans les dire, c’est déjà se faire du tort et faire du tort à autrui.


Maintenant que nous avons compris l’impact des jugements sur notre santé, nous sommes prêts à analyser les différents types de jugements existants. Comprenons ensemble pourquoi les jugements sont toujours subjectifs, imprécis, sans nuance et l’expression même de l’orgueil...


Eric Remacle

 

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