Une vision du monde réductionniste

Depuis deux millénaires et demi, depuis Empédocle d’Agrigente (490-435 ACN), Leucippe ou Démocrite, l’Occident s’est forgé une vision du monde où tout ce qui existe serait, on l’a vu, un assemblage mécanique de briques élémentaires, interagissant entre elles au moyen de forces élémentaires, selon des lois élémentaires.

Les philosophes qualifient une telle vision du monde de réductionniste (un assemblage), analytique (des briques élémentaires), mécaniste (des forces élémentaires) et déterministe (des lois élémentaires). Toute la physique d’aujourd’hui, qu’elle soit classique, relativiste ou quantique, qu’elle relève du modèle standard cosmologique (le big-bang, l’univers en expansion, etc.) ou du modèle standard des particules élémentaires (la supersymétrie, les cordes, etc.) se nourrit totalement de cette vision du monde.

Pourtant, cette vision n’est pas suffisante. Elle engendre des contradictions internes au sein des théories standard, elle rend ces théories incompatibles entre elles et, surtout, elle est incapable de rendre compte des phénomènes complexes comme la vie ou la pensée, comme l’auto-organisation ou le simple fait qu’une mésange issue d’un œuf de couveuse et élevée par l’homme, puisse, une fois relâchée dans la nature, construire, comme si de rien n’était, naturellement, un nid de... mésange.

Il ne s’agit nullement de jeter le bébé avec l’eau du bain et de crier haro sur le baudet de la science classique ; il s’agit plutôt de fonder une autre (méta)physique, plus générale, dont nos physiques actuelles ne seraient que des approximations particulières.

Il s’agit de comprendre qu’au fond du fond, il n’y a rien d’élémentaire (c’est pourquoi nous parlerons ici de « science complexe ») ou, plus exactement, que ce que nous croyions « élémentaire » n’était qu’un effet de myopie ou, ce qui revient au même, de simplification voire de simplisme, un effet d’idéalisation où Platon aurait retrouvé sa patte.

Avant d’aborder une approche critique des fondamentaux des physiques classiques, et comme, ensuite, nous tenterons d’éclairer les fondements d’une autre physique basée sur la notion de complexité - par opposition à la notion des « élémentaires » classiques -, il est bon de proposer une première esquisse de cette notion de complexité.

Nous proposons donc ceci.
On dira qu’un objet, un phénomène, un système ou un processus sont complexes, dès lors qu’ils forment un tout organique, compact, indémontable, dès lors qu’ils ne sont pas réductibles au seul assemblage ou à la seule juxtaposition de leurs constituants, dès lors que l’intensité des interactions entre ces constituants induit l’émergence de propriétés globales inédites et holistiques. On dira, ainsi, que quelque chose est complexe lorsque le tout est plus que la somme de ses parties.

Ainsi, un corps vivant est bien plus que la simple juxtaposition de tous ses organes, produits de sa dissection puisque cette dissection l’a tout simplement... tué.

      Marc Halévy             
                                                                              

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Un univers complexe - L'autre regard sur le monde