Des mythes pour se construire

En 1972, alors qu’il était en train de compiler son livre Des mythes pour se construire à partir de deux décennies de conférences, Joseph Campbell a dit avoir eu une révélation :

En 1972, alors qu’il était en train de compiler son livre Des mythes pour se construire à partir de deux décennies de conférences, Joseph Campbell a dit avoir eu une révélation :
Je pensais que j’avais évolué au cours de ce laps de temps, que mes idées avaient changé et que j’avais moi aussi progressé. Mais quand j’ai recueilli ces articles, je me suis aperçu qu’ils disaient tous essentiellement la même chose – sur une période de plusieurs décennies. J’y ai découvert quelque chose sur la chose qui me motivait. Je n’avais pas d’idée très nette de ce qu’elle était avant d’avoir identifié les continuités qui parcouraient cet ouvrage. Vingt-quatre ans, cela représente un bon laps de temps ; beaucoup de choses se sont produites au cours de cette période. Et j’étais là, à continuer de babiller sur le même sujet1.

Alors que je compilais ce livre, qui est issu d’une douzaine de conférences, interviews et séminaires donnés par Campbell entre 1962 et 1983, j’ai eu une impression très similaire.

Si j’ai sélectionné toutes ces conférences, c’est parce qu’elles retraçaient l’exploration propre à Campbell de l’idée de la mythologie comme un outil de promotion et de compréhension de l’épanouissement psychologique de l’individu – qu’il appelait la quatrième fonction, ou fonction psychologique, du mythe. Ma première idée était de présenter une sorte de synthèse historique des pensées de Campbell à ce sujet.

Mais je me suis aperçu que les idées qu’il mettait en avant à la fin de la période au cours de laquelle il terminait ses conférences à la Cooper Union et la gargantuesque série des Masks of God étaient en réalité parfaitement conformes à celles qu’il continuait d’explorer vers la fin de sa vie, quoique présentées dans des cadres moins académiques, plus intensifs, tels que les ateliers de l’Esalen Institute par lesquels il célébrait tous les ans son anniversaire. Certaines de ses opinions évoluèrent – telles que ses idées sur les promesses et les dangers du LSD en tant que clé donnant accès aux images mythiques de l’inconscient collectif, par exemple – mais la thèse générale restait la même. Il pensait que le mythe offrait un cadre au développement et à la transformation personnels, et que la compréhension des différentes façons dont les mythes et les symboles touchent l’individu offrait un moyen de mener une vie en harmonie avec la nature – de suivre un chemin menant au bonheur.

Cette lente élaboration de ses pensées a rendu l’édition de cet ouvrage à la fois infiniment plus facile et infiniment plus difficile que celle des précédentes œuvres de la collection des Collected Works of Joseph Campbell sur lesquelles j’ai travaillé : Sake & Satori : Asian Journals – Japan était issu d’une source unique et continue, qui m’avait permis de me concentrer essentiellement sur la qualité de la narration de Campbell. Myths of Light: Eastern Metaphors of the Eternal était basé sur un certain nombre de conférences et de travaux non publiés, qui couvraient trente années de pensée campbellienne sur les religions de l’Inde et de l’Extrême- Orient, mais une fois que j’eus découvert dans les sujets une forme qui faisait sens en tant qu’exploration de l’idée de divin transcendant, les chapitres avaient trouvé leur place tout naturellement, chacun correspondant à une conférence.

La première partie du présent ouvrage, « L’homme et le mythe », présente le développement historique du mythe comme un outil d’épanouissement de l’individu, et non des sociétés. Cette partie est issue d’un ensemble très divers de conférences ; ma principale tâche, dans sa présentation, a été de veiller à supprimer toute redondance, afin que le lecteur ne se retrouve pas face à quatre explications des quatre fonctions de la mythologie, par exemple.

La seconde partie, « Vivre le mythe », qui se concentre sur la psychologie fondamentale du mythe, est issue d’une série de présentations intitulées « Vivre votre mythe personnel » (titre avec lequel Campbell lui-même n’a jamais été parfaitement à l’aise), et prononcées sur une période de presque une décennie. Ces conférences pouvaient durer une heure comme s’étaler sur une semaine de séminaire. À chaque fois, les sujets étaient traités selon une approche similaire, mais présentés dans un ordre différent, avec des points plus développés que d’autres, en fonction des événements de l’actualité, du public de Campbell et du développement de ses pensées en la matière. Constituer à partir de ces sources une exploration intelligible et néanmoins complète des idées de l’auteur a donc été beaucoup plus difficile que de coutume.

La troisième partie, intitulée « Le voyage du héros », reprend la thèse de base exposée dans l’œuvre majeure et fondatrice de Campbell Le Héros aux mille et un visages pour en faire un outil applicable à la vie de chacun. Cette section a représenté un nouveau défi. La plus grande partie de ce matériau est issue de trois journées d’un séminaire d’un mois qui s’est tenu en 1983. Ce séminaire ayant pris la forme d’une discussion très vaste et informelle, ses contours étaient extrêmement diffus. Trouver un fil narratif sans imposer une thèse ni rendre l’exploration simplement incompréhensible fut, sans aucun doute, un véritable défi. Ce fut probablement l’expérience la plus difficile, la plus ardue de toutes.

L’un des plaisirs que procure la lecture – et l’édition – des œuvres de Campbell découle du fait que l’esprit de l’auteur, tel le filet de gemmes d’Indra, tisse des liens allant d’un joyau de la pensée à l’autre, en trouvant toujours le fil conducteur. Comme je l’ai dit dans l’introduction de Myths of Light, les remarquables sauts conceptuels de cet ouvrage sont à attribuer à Campbell. Les illogismes, s’il y en a, doivent en revanche m’être imputés.

Il est important de faire remarquer que ma contribution à cet ouvrage n’est que celle d’un homme parmi beaucoup d’autres. J’aimerais remercier pour son travail sans relâche le président de la JCF, Robert Walter, qui a non seulement maintenu l’héritage de Campbell en vie au cours des dix-sept années écoulées depuis son décès, qui non seulement dirige la petite mais prospère société à but non lucratif grâce à laquelle l’œuvre de Campbell progresse encore, mais qui m’a aussi aidé à classer des caisses entières de retranscriptions et de cassettes audio, en s’appuyant sur son expérience personnelle d’ami et d’éditeur de Campbell pour y trouver le matériau le plus approprié à ce livre.
J’aimerais aussi remercier pour ses efforts continus Jason Gardner de la New World Library, qui s’est associé à nous pour développer cette merveilleuse collection, ainsi que Mike Ashby, qui s’est arraché les cheveux devant les textes en sanskrit, en japonais et Finnegans Wake.

J’aimerais également mentionner les contributions de Sierra Millman et Shauna Shames, brillantes jeunes femmes dont vous entendrez certainement parler dans les années à venir et qui nous ont fourni des transcriptions pour certaines parties de ce livre. Mrs Millman a par ailleurs fait office de secrétaire de rédaction pour la première partie de cet ouvrage, « L’homme et le mythe ».

Enfin, je souhaite remercier ma femme, Maura Vaughn, avec qui je suis le chemin, et sans qui le chemin ne mériterait pas d’être suivi.

                                                                                                     David Kudler 16 juillet 2004

    Joseph  Campbell              
                                                                              

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 Mythologie et épanouissement personnel