Se soigner avec le miel

Au paléolithique, l’homme primitif se comportait comme un ours vis-à-vis des abeilles : il pillait les nids qu’il trouvait dans les troncs d’arbres, dans les creux des rochers ou sous la terre. Il volait le miel aux abeilles, plusieurs peintures rupestres l’attestent. Avec la révolution néolithique, il devint sédentaire. agriculteur, éleveur, et il domestiqua aussi les abeilles en leur construisant des abris – les premières ruches – avec l’osier, l’écorce des arbres, la paille, les roseaux et l’argile.


Au paléolithique, l’homme primitif se comportait comme un ours vis-à-vis des abeilles : il pillait les nids qu’il trouvait dans les troncs d’arbres, dans les creux des rochers ou sous la terre. Il volait le miel aux abeilles, plusieurs peintures rupestres l’attestent. Avec la révolution néolithique, il devint sédentaire. agriculteur, éleveur, et il domestiqua aussi les abeilles en leur construisant des abris – les premières ruches – avec l’osier, l’écorce des arbres, la paille, les roseaux et l’argile.

On a retrouvé en Mésopotamie des tablettes de cire d’abeille portant des inscriptions cunéiformes, preuve de la maîtrise tech- nique des Babyloniens qui savaient utiliser les matériaux naturels de leur environnement. À cette époque, les Égyptiens connaissaient également parfaitement le miel dont ils se servaient, mélangé à de la propolis, pour embaumer leurs morts et les empêcher ainsi de se putréfier.

L’apiculture prit son essor à l’apogée de la civilisation grecque. Chaque paysan de l’Attique avait une ou plusieurs ruches à l’époque de Périclès, le miel servant surtout à la nourriture des enfants. La mythologie ne disait-elle pas que Zeus avait été élevé grâce au lait de la chèvre Amalthée et au miel des abeilles du mont Ida ?

À l’époque romaine, le miel entrait dans la fabrication de tous les gâteaux. De plus, les femmes s’en servaient pour confectionner des produits de beauté. L’hydromel était à la mode. Virgile parle souvent des abeilles et du miel, avec des accents lyriques. Au Moyen Âge, par la suite, la « blonde avette » resta présente au sein de toutes les campagnes. La royauté, avec Childéric Ier, au ve siècle, adopta même l’abeille sur ses armoiries : Bonaparte suivra cet exemple quand il deviendra Napoléon et se choisira des insignes à la mesure de sa puissance, l’abeille voulant symboliser la pérennité des institutions et, pourquoi pas, l’immortalité.

Les sucres et le miel
Pendant plusieurs millénaires, et jusqu’au début du xviiie siècle, le miel fut la principale source de sucre pour l’homme. Or, en moins de trois siècles, sa consommation s’est tellement réduite, par rapport à celle des autres variétés de sucres, qu’elle est statistiquement devenue négligeable. Quel étonnant exemple de l’accélération de l’histoire !

La canne à sucre est un roseau qui pousse à l’état naturel sur les bords du golfe du Bengale. C’est Alexandre le Grand qui ramena le premier du sucre en Europe : le suc de ce roseau, à propos duquel il s’étonne : « c’est un roseau qui donne du miel sans le concours des abeilles. » Pendant des siècles le sucre de canne, acheminé par caravanes des rives de l’Indus jusqu’aux bords de la mer Noire, sera un aliment de luxe, au prix très élevé, réservé à l’élite qui pouvait se l’offrir. À la Renaissance, l’investigation de l’Amérique centrale par les Européens permit de développer la culture de la canne à sucre sur d’immenses plantations, avec le concours des esclaves. Le climat des Antilles, en particulier, convient bien à la culture de la canne à sucre. Mais au xviiie siècle, un nouveau sucre apparaît en Europe, extrait d’une plante cultivée sur notre continent : la betterave. Le sucre de betterave connaîtra son expansion à l’époque napoléonienne avec le blocus continental qui ferma les ports européens aux navires anglais amenant la canne à sucre des Antilles. La culture de betterave sucrière se développa dans toute l’Europe. Et aujourd’hui, le sucre qui en est extrait occupe le premier rang, largement devant le sucre de canne, très loin du miel. Ces trois aliments ont des points communs.

Le miel, le sucre de canne et le sucre de betterave constituent des glucides, encore appelés hydrates de carbone étant donné leur composition chimique (ce sont des combinaisons d’hydrogène, d’oxygène et de carbone). On distingue deux sortes d’hydrates de carbone :
– les monosaccharides, constitués de molécules simples, et que l’on appelle encore les sucres simples. Les principaux sont le glucose (ou dextrose) et le fructose (ou lévulose) ;
– les polysaccharides, constitués d’associations moléculaires, égale- ment appelés sucres composés. Les principaux sont le saccharose et l’amidon.

Seuls les sucres simples sont directement assimilés par l’organisme, sans digestion préalable, sans aucune transformation. Les sucres composés, avant leur assimilation, doivent être transformés en sucres simples par le tube digestif : cette digestion se fait dans la bouche (sous l’action de la ptyaline pour l’amidon), dans le duodénum (sous l’action du suc pancréatique pour le saccharose) et dans l’intestin.

Ainsi, le sucre de canne et le sucre de betterave, constitués de saccharose, ne sont utiles à l’organisme qu’après leur transformation en monosaccharides assimilables. Au contraire le miel, composé de sucres simples (fructose et glucose), est immédiatement absorbé par l’organisme, sans qu’il ait besoin d’être digéré : cette propriété du miel est de première importance, nous le verrons tout au long de ce livre. Mais revenons au processus d’assimilation des glucides.

Les sucres simples passent dans le sang, absorbés par les minuscules vaisseaux sanguins qui tapissent les villosités de la paroi intestinale. Ils se rassemblent dans la veine porte qui les conduit jusqu’au foie.

Dans le foie, les sucres sont transformés en glycogène, qui est leur forme polymérisée (un polymère est une grosse molécule formée par l’union de plusieurs molécules identiques : une molécule de glycogène peut contenir 100 000 molécules de glucose !).

Les sucres – à l’état de glycogène – sont alors disponibles pour les cellules de l’ensemble du corps et en particulier des muscles à qui ils fournissent des réserves énergétiques. L’organisme puise son énergie dans l’oxydation du glycogène musculaire. S’il a épuisé toutes ses réserves – dans le cas d’une alimentation pauvre en hydrates de carbone – il se tourne alors vers les graisses qui lui fournissent un combustible de secours. Ce processus de substitution est à la base de certains régimes amaigrissants modernes où il s’agit de supprimer totalement les hydrates de carbone de l’alimentation pour contraindre l’organisme à brûler les réserves de graisses : c’est le principe du régime de Atkins, régime que nous condamnons personnellement sans réserves car il conduit à ne consommer que des protéines et des lipides, attitude alimentaire contre nature et dangereuse (nous reviendrons sur ce problème dans un prochain livre). De ce dévelop- pement, nous devons retenir que pour mobiliser l’organisme contre les graisses en excès, il faut limiter la consommation de glucides. Une surconsommation de sucre, par ailleurs, fatigue le foie qui ne peut en assimiler que 150 grammes à la fois. Mais ce métabolisme pose un autre problème :
Le métabolisme des glucides est contrôlé par plusieurs hormones, en particulier l’insuline, sécrétée par le pancréas. L’insuline joue un rôle très précis : elle permet de faire passer le glucose du sang dans les cellules, abaissant par conséquent la glycémie (teneur du sang en glucose). Dans le cas d’un dysfonctionnement du pancréas, la sécrétion d’insuline diminue, ce qui entraîne un accroissement de la glycémie ou hyperglycémie, faute d’une absorption cellulaire suffisante. C’est le mécanisme du diabète.

Le seul sucre qui ne nécessite pas l’intervention de l’insuline pour être assimilé est le fructose-lévulose (ces deux mots sont synonymes). Cette propriété du fructose autorise certains à recommander le miel aux diabétiques : c’est une erreur, car s’il est vrai que le miel est riche en fructose, il contient autant de glucose-dextrose pour l’assimilation duquel l’insuline pancréatique doit nécessairement intervenir. À l’extrême rigueur, le miel d’acacia (le plus riche en fructose) peut être modérément consommé par les diabétiques légers.

Une consommation excessive de sucres congestionne le foie, fatigue le pancréas, provoque des caries dentaires, conduit à l’obésité et peut provoquer le diabète.

Par contre, une consommation insuffisante entraîne une fatigue générale, un amoindrissement de la résistance physique, un dégoût de l’effort, une constante frilosité.

Les glucides sont indispensables à l’organisme : tirons un trait sur tous les régimes qui prétendent interdire telle ou telle famille d’aliments. Certains veulent supprimer totalement les glucides et ne jurent que par les protéines. D’autres condamnent et refusent les protéines qu’ils proscrivent énergiquement. Qui croire ? Qui dit vrai ? Ni les uns ni les autres. La diététique est une discipline qui doit nous conduire à la mesure, au bon sens. Mais revenons aux sucres. Nous devons en manger, c’est indéniable. Mais nous ne devons pas consommer n’importe quel sucre. Le développement qui suit nous conduit à préférer le miel, toutes les fois que c’est possible.

L’opposition ressemble à un combat de boxe :
– À ma droite le sucre blanc. En morceaux, en poudre, cristallisé, c’est le sucre consommé par 99 % des gens. De canne ou de betterave, mais blanc. Saccharose + saccharose + saccharose... Raffiné à l’ex- trême. Dénaturé, squelettique, dévitalisé. Et, par-dessus le marché, blanchi au bleu d’indanthrène RS. Produit par des usines.
– À ma gauche le miel. Le nectar des fleurs. Riche, vivant. Fruc- tose + glucose + vitamines + sels minéraux + oligo-éléments + hormones + diastases + substances aromatiques +... Multiple, naturel. Produit par les abeilles.

Oui, un combat de boxe. Alors laissez-moi vous poser la ques- tion : pour votre santé, sur qui allez-vous miser ?.... Moi, je ne donne pas cher du sucre !
J’allais oublier les arbitres1 :
– le cyclamate : cyclohexylsulfamate de sodium ;
– la dulcine : éthoxyphénylurée ;
– le P.4000 : propoxy-amino-nitrobenzène.
Alors là, voyez-vous, je n’aime pas bien ces arbitres-là. Je n’ai pas
du tout confiance. Revenons vite à nos abeilles.
3. Le butinage du nectar

L’ouvrière devient butineuse vers le vingt et unième jour et elle le restera jusqu’à sa mort : cette activité est donc la plus longue de sa vie, la plus importante. Le butinage est toujours précédé par un certain nombre de vols de repérage : par groupes d’une vingtaine, les abeilles volent sur place, tournées vers le trou de vol, pour fixer dans leur mémoire la situation de la ruche dans son environnement immédiat. C’est le soleil d’artifice.

Le tiers des abeilles peut quitter la ruche en même temps, pour aller butiner. Leurs vols sont assujettis à certaines conditions :
– la température ne doit pas être trop basse. Aucun butinage n’a lieu à des températures inférieures à 10° chez notre abeille domes- tique commune apis mellifica. Ce seuil de température varie locale- ment, et il peut y avoir quelques écarts entre les ruchers de montagne et les ruchers – par exemple – du littoral méditerranéen.
– Le vent hypothèque le butinage : les abeilles ne l’aiment pas du tout. Un vent assez faible réduit leur activité. Un vent fort (mistral par exemple) leur interdit de sortir.
– Le soleil joue un rôle non négligeable en favorisant le buti- nage : l’activité des abeilles est toujours plus forte quand la lumino- sité augmente.
– La pluie est une contradiction absolue. Le plus souvent, un temps orageux dissuade les abeilles, car elles craignent inconsciemment de ne pouvoir rentrer à la ruche si l’orage se déclare pendant leur vol.

Au total, le froid, le vent et la pluie contrarient le butinage, et représentent un danger pour l’abeille, sans oublier les prédateurs dont nous parlons plus haut (philanthe apivore, thomise, bondrée apivore...). Le butinage obéit, par ailleurs, à certaines « règles » :
– Dans la mesure du possible, les abeilles essaient de butiner aussi près de la ruche qu’elles le peuvent : en effet, au-delà d’une certaine distance, le butinage cesse d’être rentable, car la dépense d’énergie nécessaire à un vol prolongé (l’abeille « brûle » du miel pour voler) devient égale ou même inférieure au potentiel énergétique de la récolte de nectar. Jusqu’à 1 km de la ruche, le butinage est rentable. Au-delà la rentabilité diminue, jusqu’à 3 km où elle devient nulle. Les abeilles ne s’aventurent pas au-delà. Exceptionnellement, elles peuvent aller à plus de 5 km.

                                                                                         
          Jean-luc Darrigol    

 

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