L'HISTOIRE DE L’HYPNOSE

Même si l’hypnothérapie en tant que telle est une thérapie relativement récente, les pratiques hypnotiques remontent à la nuit des temps. Certains archéologues de la Préhistoire ont répertorié des dessins vieux de plus de 9 000 ans qui représenteraient des séances de conscience modifiée. Il y a plus de 4 000 ans de cela, dans l’Égypte ancienne, des « temples du sommeil » ou des « temples du rêve » existent déjà. On y guérit non seulement les maux physiques mais aussi les maux psychiques. Dans ces lieux, les malades sont mis dans un état de sommeil qui ressemble fortement à la transe. Le rêve est alors interprété et utilisé pour les aider à guérir. Dans la Grèce antique également, il existe des temples du sommeil qui permettent aux dieux de soigner les humains. D’ailleurs, le mot « hypnose » vient du grec, Hypnos. Dieu du sommeil, Hypnos pouvait endormir aussi bien les hommes que les dieux. C’est le seul à avoir été capable d’endormir Zeus lui-même. Les Romains poursuivent la tradition des temples du sommeil et les utilisent dans un but thérapeutique.
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Même si l’hypnothérapie en tant que telle est une thérapie relativement récente, les pratiques hypnotiques remontent à la nuit des temps. Certains archéologues de la Préhistoire ont répertorié des dessins vieux de plus de 9 000 ans qui représenteraient des séances de conscience modifiée. Il y a plus de 4 000 ans de cela, dans l’Égypte ancienne, des « temples du sommeil » ou des « temples du rêve » existent déjà. On y guérit non seulement les maux physiques mais aussi les maux psychiques. Dans ces lieux, les malades sont mis dans un état de sommeil qui ressemble fortement à la transe. Le rêve est alors interprété et utilisé pour les aider à guérir. Dans la Grèce antique également, il existe des temples du sommeil qui permettent aux dieux de soigner les humains. D’ailleurs, le mot « hypnose » vient du grec, Hypnos. Dieu du sommeil, Hypnos pouvait endormir aussi bien les hommes que les dieux. C’est le seul à avoir été capable d’endormir Zeus lui-même. Les Romains poursuivent la tradition des temples du sommeil et les utilisent dans un but thérapeutique.

... DE L' ANTIQUITE...
Les Indiens, les Chinois, les Perses et les Sumériens connaissent eux aussi cet état de conscience modifiée que l’on qualifie maintenant d’hypnose. Ainsi, comme les Égyptiens et les Grecs, les Indiens possèdent des temples du sommeil où le malade se rend pour une nuit afin de méditer, communiquer avec les dieux et finalement guérir.

... À LA RENAISSANCE...
C’est au début du xvie siècle que naît l’hypnose à proprement parler. À l’époque, on ne parle pas vraiment d’hypnose mais plutôt de magnétisme. C’est ainsi que vers dans la première moitié du xvie siècle, un Suisse du nom de Paracelse utilise des aimants pour guérir ses patients. Il passe ces aimants sur le corps du malade pour en chasser le mal.

Paracelse a de nombreux successeurs, en particulier, à la fin du xviiie siècle, un médecin allemand, Franz Anton Mesmer, qui étudie ce qu’il appelle le magnétisme animal. Pour lui, s’il existe des magnétismes minéraux, cosmiques ou planétaires, le corps humain ou celui des animaux dégagent eux aussi des forces magnétiques. L’une de ses premières expériences consiste à saigner l’un de ses patients puis à arrêter l’écoulement du sang en utilisant un aimant. Il obtient ensuite le même résultat avec un bâton magnétisé. Selon Mesmer, chaque personne aurait la capacité de guérir son prochain en faisant des passes magnétiques, c’est-à-dire en passant ses mains sur le corps du malade. Les résultats obtenus sont pour le moins surprenants. Ainsi, lors des traitements collectifs, ses passes magnétiques déclenchent des pertes de contrôle chez les personnes traitées qui éclatent d’un rire hystérique, s’évanouissent et sont prises de convulsions.

Dès cette époque, les méthodes de Mesmer suscitent des réactions très négatives de la part de la communauté scientifique qui n’y voit qu’une supercherie. Mis à part son rôle de précurseur, Mesmer a laissé une trace importante dans la langue anglaise puisque, aujourd’hui encore, les Anglo-Saxons utilisent le verbe « mesmerize », pour désigner l’action de fasciner, d’ensorceler ou d’hypnotiser.

L’un des plus célèbres disciples d’Anton Mesmer est Armand Marie Jacques de Chastenet, marquis de Puységur. Sa grande différence avec Mesmer, c’est qu’il est persuadé que le thérapeute n’est qu’un intermédiaire et que seul le malade parvient à se soigner lui-même. Dans les années 1780, dans son domaine, non loin de Soissons, en France, le marquis, ancien colonel d’artillerie, s’entraîne sur ses domestiques et ses paysans. Sa technique consiste à les mettre en transe pour leur permettre de guérir. Lors de l’une de ces transes, il s’aperçoit que l’un des paysans qu’il traite fait des crises de « somnambulisme » (c’est ainsi qu’il nomme un état où le patient demeure conscient tout en étant profondément endormi). Il forme de nombreux adeptes mais lui aussi est fortement critiqué par les médecins officiels.

Disciple du marquis de Puységur, l’abbé Faria met en évidence le caractère pure- ment naturel de l’hypnose. Il place l’accent sur l’importance des suggestions et des autosuggestions. Pour l’abbé Faria, comme pour le marquis, tout vient de la personne elle-même, et se développe dans son imagination. Selon lui, le « magnétisme » est une forme de sommeil.

Quelques années plus tard, en 1829, un chirurgien français, Jules Germain Cloquet, pratique une ablation d’un sein atteint d’une tumeur sous sommeil « magnétique ». La patiente, Mme Flandin, âgée de soixante-quatre ans, est, d’après le rapport qu’il fait de l’opération, maigre, faible, asthmatique, et est affectée d’un cancer du sein droit. Elle est hypnotisée par son médecin traitant, le docteur Chapelain. Au cours de l’opéra- tion, qui dure de dix à douze minutes, elle ne ressent aucune douleur. Pendant tout ce temps, la malade continue à s’entretenir tranquillement avec le chirurgien et ne donne pas le plus léger signe de sensibilité. Aucun mouvement dans les membres ou dans les traits, aucun changement dans la respiration ni dans la voix ne se manifestent. Elle reste en état d’hypnose pendant deux jours et, à son réveil, elle n’a aucune idée de ce qui s’est passé. De même, des médecins anglais vont se livrer à un certain nombre d’opérations en utilisant l’hypnose.

L’apparition du chloroforme, vers 1850, qui permet un endormissement systéma- tique du patient, éclipse l’hypnose thérapeutique. En effet, les médecins trouvent beaucoup plus facile d’utiliser un produit chimique pour anesthésier leurs patients que de passer du temps à les « endormir » en utilisant des techniques que tous sont loin de reconnaître comme étant efficaces.
James Braid, un chirurgien écossais né à la fin du xviiie siècle, est considéré par certains comme le premier vrai hypnothérapeute des temps modernes. Il utilise un objet brillant ou son doigt pour hypnotiser ses patients. C’en est fini de la notion de magnétisme animal ; on passe à la notion d’hypnose à proprement parler. De plus, James Braid innove en utilisant la suggestion verbale pour soigner ses patients en état de transe. Il a de nombreux disciples, comme le professeur Charcot, à Paris, ou le docteur Liébeault et le docteur Bernheim, à Nancy, qui vont affiner les techniques de l’hypnothérapie.

L’un des grands moments de l’histoire de l’hypnose se situe à la fin du xixe siècle, plus précisément en 1882, quand le professeur Charcot présente à l’Académie des sciences sa fameuse note sur l’hypnose. À cette époque, il faut une certaine dose de courage à un professeur de médecine pour présenter à ses pairs une méthode qui est alors considérée comme une attraction foraine. Pour Charcot, qui dirige, entre autres, un service qui soigne des hystériques à l’hôpital de la Salpêtrière à Paris, les meil- leurs sujets pour l’hypnose sont les hystériques. Selon lui, hypnose et hystérie sont intimement liées, l’hypnose n’étant rien d’autre qu’une manifestation pour le moins surprenante de l’état mental des hystériques.

À la même époque, à 400 km de Paris, à Nancy, le docteur Ambroise-Auguste Liébeault, un médecin de campagne, défend la théorie que l’hypnose est un phénomène naturel induit par la suggestion et non le résultat d’un quelconque magnétisme. Il est persuadé que l’hypnose est avant tout un phénomène psychologique. Il a étudié les similarités qui existant entre le sommeil et la transe et s’est aperçu que la transe peut être générée par la suggestion. Très rapidement, il est rejoint par le docteur hippolyte Bernheim, un neurologue de renom qui l’aide à développer l’hypnose thérapeutique telle que nous la connaissons aujourd’hui.

... JUSQU’AUX TEMPS MODERNES
Sigmund Freud a été pendant toute sa vie un fervent admirateur de l’hypnose. Il a tout d’abord étudié avec le professeur Charcot à la Salpêtrière puis s’est intéressé aux résultats de l’École de Nancy. Pour lui, l’hypnose doit permettre à ses patients de faire remonter à la surface des souvenirs enfouis dans leur inconscient. Comme il est un piètre hypnotiseur, à quarante ans, Freud rejette l’induction hypnotique et la remplace par une imposition des mains sur le front de ses patients de façon à établir une relation étroite entre le thérapeute et son malade. Par la suite, il va préférer une association libre avec le patient où ce dernier raconte spontanément ses souvenirs et ses rêves.

Un autre Français joue un rôle important dans le développement de l’hypnose. Il s’agit d’Émile Coué. Pharmacien de son état, il s’intéresse très vite aux travaux de l’École de Nancy et devient l’un des pionniers de l’utilisation de l’autosuggestion. Sa phrase la plus fameuse est : « Tous les jours, à tout point de vue, je vais de mieux en mieux. » Cette phrase est à répéter vingt fois le matin et vingt fois le soir, pour conditionner l’imaginaire d’une manière favorable. Coué est persuadé que ce n’est pas lui qui soigne les gens mais qu’il est simplement là pour permettre aux malades de se soigner eux- mêmes. En cela, il est un précurseur de certaines théories modernes qui revendiquent que l’hypnose en elle-même n’existe pas et que seule l’auto-hypnose permet de guérir. Selon lui, et c’est son intuition la plus importante, l’imagination est toujours plus puissante que la volonté. Par exemple, si vous demandez à quelqu’un de traverser un petit espace sur une planche en bois les yeux fermés, il le fera sans hésiter ; si par contre vous lui demander de fermer les yeux et vous lui dites d’imaginer que cette planche est suspendue à plusieurs mètres au-dessus du sol, entre deux immeubles par exemple, cette personne va se mettre à trembler et aura des difficultés à avancer sur la planche. De plus, Coué, en tant que pharmacien a anticipé la notion de placebo. Ainsi, lorsqu’il délivre un traitement, il ne manque pas d’ajouter à son client une phrase telle que : « Vous allez voir, ceci vous fera beaucoup de bien... Et ce n’est qu’un début ! » Cette méthode, très simple se trouve aujourd’hui vérifiée. Des études ont montré que, suivant le lien qui existe entre le patient et son médecin, le même médicament va avoir un effet ou n’en aura que peu ou pas du tout. En poussant le raisonnement un peu plus loin, on pourrait ainsi en conclure qu’un médicament n’est pas toujours nécessaire pour guérir mais que la croyance en la guérison, elle, est indispensable.

L’hypnose revient sur le devant de la scène durant la première guerre mondiale. Les psychiatres réalisent alors que des soldats souffrant de traumatismes, tels que paralysie ou amnésie, qu’ils considèrent comme étant beaucoup plus de nature psychologique que physique, répondent très bien au traitement par l’hypnose.

Dans les années 1930, aux États-Unis, Milton Erickson donne ses lettres de noblesse à l’hypnose moderne. Psychiatre et psychologue, il rejette très tôt l’approche classique de la psychothérapie. Pour lui, le patient possède en lui-même toutes les ressources nécessaires pour vaincre les situations difficiles qu’il traverse. Le rôle du thérapeute est de mettre à jour et d’aider à développer les compétences et les ressources de chacun. Chaque patient est un individu à part entière. Il lui semble donc impossible d’utiliser des méthodes et des théories toutes faites pour soigner l’ensemble des malades qui viennent le voir. Chaque thérapeute devrait développer des méthodes sur mesure pour chacun de ses patients. C’est pourquoi il lui arrive fréquemment de dire à ses étudiants : « N’essayez surtout pas de faire du Milton Erickson, soyez vous-même. » L’hypnose doit s’appliquer non seulement aux patients mais au thérapeute lui-même, qui doit utiliser l’auto-hypnose pour accroître ses capacités d’observation de son patient.

De plus, il considère l’inconscient comme étant une partie intégrante de l’esprit du patient. Cet inconscient, au lieu de jouer les trouble-fête, est un réservoir de ressources qu’il est important d’utiliser pour aboutir à un mieux-être. L’inconscient est animé par ses propres intérêts et a ses propres réponses à des situations difficiles. Cet inconscient est capable d’apprendre, il est créatif et essaie, dans la mesure du possible, de trouver une solution. Il est de ce fait le seul capable d’amener des solutions aux problèmes rencontrés par les malades dans la vie tous les jours.

D’après Erickson, la transe, qui peut être indifféremment profonde ou superficielle, peu importe, est un phénomène tout à fait naturel. Elle permet de faire évoluer les comportements jugés néfastes. Par contre, à la différence des hypnothérapeutes classiques, Erickson est persuadé qu’il n’est pas possible de « convaincre » l’inconscient d’une façon autoritaire, c’est-à-dire en lui donnant des ordres. Cela ne peut que pro- voquer des réactions négatives ou des réactions de résistance de sa part. La méthode qu’il utilise consiste à offrir à l’inconscient des possibilités, des métaphores, des symboles, et même des contradictions, que l’inconscient va décoder, interpréter et adapter aux situations en cours. L’hypnose telle que conçue par Milton Erickson va donner naissance à tout un mouvement qui existe encore et qui s’est développé d’une façon foisonnante à partir des années 1950.

ET AUJOURD’HUI ?
Pendant longtemps, l’hypnose a été considérée comme étant le domaine de charlatans. Si certains médecins se laissaient aller à l’utiliser, elle demeurait dans cette zone grise des médecines alternatives que l’on utilise en dernier recours, au même titre que les gué- risseurs, les rebouteux ou les magnétiseurs. Milton Erickson lui avait donné des lettres de noblesse, néanmoins elle restait à l’écart de la médecine officielle et de ses hôpitaux.

Le changement qui s’est effectué ces dernières années est d’abord venu d’une demande de la part des patients plus que d’une acceptation spontanée du corps médical. Beaucoup de patients ont été déçus par l’approche allopathique qui ne par- vient pas toujours à résoudre leurs problèmes ou dont les médicaments provoquent un tel nombre d’effets secondaires qu’ils en deviennent parfois plus dangereux que la maladie elle-même. Devant ce scepticisme et ce début de rejet, certains médecins, faisant fi du côté non scientifique de la théorie hypnotique, se sont lancés dans l’hypnose.

L’hypnose a acquis une telle respectabilité qu’elle s’est vu ouvrir les portes de l’université. Dans plusieurs d’entre elles, des cours d’hypnose sont proposés aux futurs médecins et au personnel médical et paramédical (psychologues, sages-femmes, chirurgiens-dentistes, kinésithérapeutes, infirmiers). Le but est de permettre aux praticiens, qu’ils soient privés ou publics, d’utiliser l’hypnose en particulier dans le domaine de la douleur, où elle permet de pratiquer certains actes médicaux, voire chirurgicaux, en toute sécurité et sans l’intervention de narcose, mais aussi dans le domaine de la psychiatrie ou de la psychothérapie.

Malgré ce regain d’intérêt, l’hypnose demeure une technique qui n’est, dans bien des cas, pas encore complètement prise au sérieux par le corps médical et la recherche, en particulier dans le domaine des neurosciences. Si certains chercheurs se sont lancés dans la difficile gageure d’essayer d’expliquer comment fonctionne l’hypnose, les connaissances dans le domaine du cerveau sont tellement limitées que cette recherche demeure marginale.

Cette ouverture de la médecine moderne à ces nouveaux types de thérapies est sans aucun doute liée aux faits que nous sommes arrivés à un stade où la médecine classique rencontre ses limites.
Comme le disait une de mes patientes, elle-même, professeur de médecine : « La médecine telle que nous la pratiquons actuellement n’est pas très loin de celle qu’utilisait le Docteur Diafoirus dans Le Malade imaginaire de Molière. Il reste de grands espaces vierges à défricher pour que naisse une nouvelle façon d’aider nos contemporains. »

 
Jean-Michel JAKOBOWICZ
 
 


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