L’homéopathie : historique et grands courants

 

D.R







L’homéopathie repose sur la loi des semblables : une maladie est soignée par une substance qui, administrée à un individu sain, provoque des symptômes identiques à ceux qui se manifestent chez le malade.

Les précurseurs
Hippocrate. Dès le ve siècle avant Jésus-Christ, le père fondateur de la médecine avait en quelque sorte anticipé l’apparition de l’homéopathie en affirmant qu’il y avait deux manières de soigner : par les contraires et par les semblables. Il fut le premier à considérer que les maladies avaient des causes naturelles et n’étaient pas une punition de Dieu. Elles étaient le résultat des conditions de vie, de l’environnement et de l’alimentation du patient. Il insistait beaucoup sur les forces de guérison présentes en chacun de nous, que les traitements devaient venir soutenir. L’une des meil- leures applications qu’il donna de la loi des semblables fut l’emploi de l’hellébore blanc (Veratrum album) à très petites doses dans le traitement du choléra. À forte dose, cette racine est toxique et provoque des diarrhées violentes.

Paracelse (1493-1541). Ce grand médecin et alchimiste du Moyen Âge, parfois qualifié de père fondateur de la toxicologie, émet l’idée que des substances souvent considérées comme toxiques peuvent être anodines ou même bénéfiques et thérapeutiques à petites doses. Il distingue plusieurs méthodes thérapeutiques, dont celle par les plantes contraires et celle par les herbes et racines semblables (théorie des signatures).

Jenner, un contemporain
Edward Jenner (1749-1823). Ce médecin anglais prit le risque de vérifier une vieille croyance populaire selon laquelle les sujets ayant été atteints de « cow-pox » (ou vaccine) du bétail ne contractaient jamais la variole. C’est ainsi qu’il découvrit la vaccination (1796). Il s’agit là d’une technique préventive basée sur la théorie des semblables : une maladie beaucoup moins grave que la variole, dont les signes au départ sont semblables, est capable de protéger le sujet contre la variole.

Hahnemann, le père de L’homéopathie
Samuel Christian Hahnemann, le fondateur de l’homéopathie, naît à Meissen en Saxe en 1755. Il étudie la chimie et la médecine et s’installe en tant que praticien en 1779 : il a alors 24 ans. Mais il est vite déçu par la pratique médicale de son temps, qu’il juge inefficace, brutale et dangereuse : il s’insurge contre l’emploi de médicaments hautement toxiques comme le mercure ou contre des pratiques telles que les purges et les saignées. Il décide alors d’abandonner momentanément la médecine pour se consacrer à la traduction d’ouvrages médicaux. L’histoire lui a donné raison, puisque les médicaments à base de mercure ont été totalement abandonnés de nos jours.

La redécouverte de La similitude
C’est en traduisant la Matière médicale de William Cullen qu’Hahnemann tombe sur un passage qui va transformer sa vie : il découvre que le quinquina, utilisé pour combattre les fièvres et la malaria, peut, s’il est administré pendant trop longtemps, provoquer une fièvre semblable à celle traditionnellement combattue par la plante. Il décide alors d’expérimenter en s’administrant à lui- même pendant plusieurs jours le remède : à sa grande surprise, il développe un à un les différents symptômes de la malaria alors qu’il était en parfaite santé jusqu’alors. Il vient ainsi de redécouvrir le principe de similitude déjà énoncé par Hippocrate : « L’application des semblables fait passer de la maladie à la santé. » Pour vérifier ses expérimentations, il va demander à plusieurs personnes de son entourage de prendre à leur tour du quinquina. Et, à chaque fois, il constate des réactions similaires. Il nomme ces expériences des « pathogénésies » et va renouveler ses observations avec plusieurs grands remèdes de l’époque, tels que la belladone ou encore l’arsenic.

Au fur et à mesure de ses expérimentations, Hahnemann constate que d’un individu à un autre, les réactions varient en intensité. Il détermine pour chaque remède testé des symptômes de première ligne ou « symptômes clé », apparaissant le plus couramment. Puis des symptômes de deuxième ligne, un peu moins fréquents, enfin des symptômes de troisième ligne, plus rares. Au cours de sa vie et avec l’aide de ses collaborateurs, il arrive ainsi à expérimenter plus de 1 200 substances naturelles.

La notion d’infinitésimalité
Après avoir fait ses observations sur des individus sains, il passe à la deuxième phase de ses recherches, qui consiste à étudier les substances expérimentées sur des sujets malades. Se pose néanmoins rapidement la question de la toxicité de certaines substances administrées. Il décide alors de les donner en doses infimes, diluées. Il invente pour cela un procédé en deux temps, qui consiste à diluer de plus en plus la substance en la secouant vigoureusement et en la frappant sur une surface dure entre chaque dilution (« succussion »). Par cette opération, la substance libère son énergie et peut être donnée en quantité infinitésimale sans perdre en efficacité : c’est le principe de la « dynamisation ».

La naissance de L’homéopathie
En 1796, au bout de six années de recherche, Hahnemann publie son Essai sur un nouveau principe pour démontrer la valeur curative des substances médicinales. Il y affirme : « On devrait appliquer à la maladie à guérir, surtout si elle est chronique, le remède qui possède la faculté de produire la maladie artificielle la plus ressemblante, et la première sera guérie. » Il nomme ce nouveau système thérapeutique l’« homoeopathie », puis en français simplement « homéopathie », du grec homeo (semblable) et pathos (souffrance). C’est la naissance officielle de l’homéopathie. Dans les années qui suivent, Hahnemann ne cesse de multiplier ses observations et d’affiner ses recherches et en 1810 il publie la première édition de l’Organon de l’art rationnel de guérir qui deviendra lors de l’édition de 1819 L’Organon de l’art de guérir. L’ouvrage fut traduit en différentes langues et parut en 1824 en français. Il connaîtra six mises à jour, dont une posthume. Dès 1812, Hahnemann enseigne l’homéopathie à l’université de Leipzig avant de s’installer à Paris où il décède en 1843. Avant sa mort, il rédige encore une Matière médicale pure et un Traité des maladies chroniques.

Les Héritiers de Hahnemann
Au cours du xixe et du xxe siècle, l’homéopathie va franchir les frontières allemandes pour se répandre en Europe avant de se développer en Amérique et en Asie. L’un des fidèles élèves de Hahnemann, le médecin anglais Frederick Foster Hervey Quinn ouvre le premier hôpital homéopathique à Londres en 1849. En France, Benoît Mure (1809-1858) inaugure le premier dispensaire homéopathique à Paris et le médecin d’origine italienne Sebastien des Guidi introduit l’homéopathie à Lyon. Léon Vannier (1880-1963) lance en 1912 la revue L’Homéopathie française et participe à la création des laboratoires homéopathiques de France (1926).

Les docteurs Constantine Hering (1800-1880) et James Tyles Kent (1849-1916) furent les pionniers de l’homéopathie américaine. Le premier prolongea l’œuvre de Hahnemann en découvrant des médicaments importants comme Lachesis. Le second marqua durablement l’homéopathie en établissant les types constitutionnels en fonction de l’aspect physique des individus et des symp- tômes physiques et psychiques qu’ils présentent. Chaque type constitutionnel peut être associé à un grand médicament homéopathique. Ce médicament peut être utilisé seul (approche uniciste).

Albert-Claude Quemoun

 


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