Ce qui se passe autour de la naissance

La naissance d’un désir... Au début, juste un signe. Et un deuxième, Et un troisième... Et de multiples. Cela s’installe ensuite comme une évidence : parler de la nais- sance. Puis, une volonté de partage.
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La naissance d’un désir...
Au début, juste un signe. Et un deuxième,
Et un troisième...
Et de multiples.
Cela s’installe ensuite comme une évidence : parler de la nais- sance.
Puis, une volonté de partage.
Ce que je constate dans ma pratique thérapeutique, d’autres le constatent forcément aussi.
Ce que cela implique en matière de facilité de résolution de multiples troubles, d’autres, nécessairement, l’ont vu aussi.
Ce que cette connaissance pourrait impliquer en matière de respect de l’humain et de diminution de pathologies, là aussi, c’est évident !
Et puis... non.
Cette conscience-là ne semble pas répandue.
Alors, une interrogation : ai-je bien cherché ?


Alors, un désir de donner d’autres mots, Les miens,
Et peut-être à force,
La renaissance de nombreux humains.
... puis d’un livre
Je crois en la rencontre. Je crois en la soif de l’humain pour améliorer sa condition. Je crois en l’Amour que je définis dans sa physiologie comme l’élan de vie, la volonté d’aller vers.
Sur mon chemin, j’ai rencontré des humains qui m’ont ouvert la voie, qui ont contribué à ce que mon corps et ma conscience s’éveillent, surpassent leurs limites.
Je les remercie ici du fond du cœur.
Grâce à ces rencontres, j’ai pu enseigner, chanter, et accueillir l’Autre en thérapie.
Comment aujourd’hui j’en arrive à vous parler de la naissance, c’est tout un parcours, une saga.

Une saga psychothérapique : Houët, Filliozat, et les autres : la soif de découvrir
Pour moi, l’intérêt pour l’humain commence en cours de philosophie grâce à une enseignante, Mme Houët. Elle accompagne mon intérêt pour la génétique, l’inconscient et la psychanalyse de Freud.
Ma rencontre avec Marie Cardinal via son livre Les mots pour le dire7 m’initie aux relations entre le corps et l’esprit. J’apprends plus tard que cela s’appelle la psychosomatique.

Je décide d’entamer une psychanalyse pour apprendre de l’intérieur.
La psychanalyse freudienne ne satisfaisant pas toutes mes inter- rogations, je me tourne alors vers d’autres sources.

Grâce à son livre L’Intelligence du cœur8, je rencontre Isabelle Filliozat. Je contacte mon envie de devenir « psy ». Et, oui, des enseignants m’avaient donné envie d’enseigner, des psys me donnent envie de les rejoindre.

Quelques stages de grammaire émotionnelle plus tard, le déménagement d’Isabelle m’amène à poursuivre mon parcours au Cercle psychosomatique de Paris avec ses parents Rémy et Anne-Marie Filliozat ainsi qu’avec Gérard Guasch. J’y cultive l’analyse tran- sactionnelle9, la psychanalyse reichienne10, la PNL11, la respiration holotropique12. Ils me montrent comment intégrer tous ces apports dans cette discipline qu’est la psychosomatique. Je les approfondis en parallèle et cultive ma compétence à pister ce qui se passe dans le corps en lien avec la psyché.

J’ouvre mon cabinet de thérapie.
Ma volonté d’élargir encore les limites de mon être et d’être plus efficiente avec les personnes qui me consultent m’amène à chercher encore.

J’ai soif d’aller plus loin, de trouver des moyens d’être encore plus doux pour l’humain, plus global et plus réparateur encore. J’ai soif de guérison.
De fil en aiguille, je trouve sur ma route des praticiens en thérapies psychocorporelles, en somatic experiencing, TIPI, et en EMDR13.
La prise en compte du trauma quel qu’il soit et de la capacité de retraiter précisément l’information dysfonctionnelle par l’EMDR est déterminante pour moi.
Je décide d’ajouter à la praticienne en psychosomatique la carte de praticienne EMDR.
La connaissance des mécanismes physiologiques du stress qu’apporte la somatic experiencing est déterminante aussi. J’intègre son enseignement à ma pratique. De même, je garderai la simplicité du questionnement de TIPI : « Et maintenant, que se passe-t-il dans ton corps ? »
Toutes ces imprégnations et formations, toutes les rencontres qu’elles représentent et tout ce travail à l’intérieur de moi, font la thérapeute que je suis.

Mon chemin de vie et les personnes que j’ai accompagnées aussi.
Tout cela me permet avec toujours plus de volonté, de bienveillance et de non-jugement d’accueillir l’Autre. Cela vise à élargir ma capacité d’accueillir en conscience les images, les sensations, les émotions, les pensées, les comportements des humains que je reçois en tenant compte de ce qui se passe dans leur corps et dans leur tête.

C’est vrai pour tout thérapeute ayant fait un chemin similaire.
Voilà donc comment je suis devenue praticienne en psycho- somatique et psychothérapie EMDR, côtoyant depuis plus de vingt-cinq ans des personnes dont j’ai entendu l’histoire de vie et les difficultés. Je suis une praticienne curieuse d’histoires et de sciences, fascinée par la circulation de l’information, par les mémoires, et surtout par l’être humain.

La saga de ce livre : la soif de transmettre
Chacun d’entre nous au cours de sa pratique découvre des choses qui lui permettent d’augmenter sa connaissance, de parfaire sa pratique.
Plus nous les partageons, plus nous contribuons à l’amélioration de la condition humaine. C’est vrai dans tous les domaines.

Un constat : un terrain à défricher
Depuis 2008, le travail que je réalise m’amène à observer de plus en plus, et contre toutes attentes, le vécu d’un voyage que tous les êtres vivants ont fait : celui de la naissance.

Je me rends compte que personne dans mon entourage tant personnel que professionnel ne connaît ce voyage, ni ce que sa connaissance implique.

J’en ai acquis une expérience telle qu’aujourd’hui je décide de la partager.
C’est un voyage qui reste parmi les plus mal connus, car nous ne voyons pas l’intérêt d’y accéder. Après tout, nous sommes vivants aujourd’hui. De plus, les humains qui auraient eu l’idée de se questionner à ce sujet sont largement convaincus qu’il est impossible d’accéder à ce savoir.
Nous croyons en avoir perdu la connaissance.

Nous n’en avons perdu que le souvenir : nous n’avons pas eu les mots pour l’archiver et pouvoir ensuite le raconter.
Nos cellules en ont gardé la mémoire et elles le restituent le plus souvent à notre insu.

Des explorateurs et autres chercheurs dans différents domaines du soin ont commencé à baliser le terrain en matière de périnata- lité et même de naissance.
Leurs découvertes ne se généralisent pas.

Les précurseurs de la prise de conscience de ce qui se passe autour de la naissance
C’est en 1974 que Frédérick Leboyer14 invente la méthode qui porte son nom pour que le bébé soit accueilli dans des conditions telles qu’il puisse se remettre du stress lié à sa naissance. Il œuvre concrètement dans les salles d’accouchement afin qu’elles correspondent aux besoins du nourrisson qui arrive dans notre monde et il donne des indications aux femmes pour qu’elles soient plus à même de vivre leur accouchement sereinement.

Michel Odent15 œuvre aussi depuis les années 1960 pour un accouchement plus humain.
Grâce à eux, il est possible de savoir que le bébé doit arriver dans une pièce chaude, éclairée d’une lumière douce, pour ne citer que deux aspects parmi tant d’autres.

Certes, quelques-unes de leurs préconisations ont été adoptées dans les maternités, mais, fin 2014, seuls 22 services de maternité en France ont mis en place le label lancé en 1991 par l’OMS et l’UNICEF, « l’Initiative Hôpital Ami des Bébés16 ».

Ce label concerne surtout le rapport maman/bébé, une fois le bébé arrivé au monde.

Au début des années 1980, en marge de la naissance, en amont et en aval de celle-ci, Frans Veldman, fondateur de l’haptonomie17, connaît un succès certain. C’est le premier à transmettre sa compréhension du fait que l’on peut échanger avec le fœtus très tôt pendant la grossesse. Grâce au toucher, un dialogue entre les parents et leur futur enfant se noue d’intérieur de peau à extérieur de peau dans l’écoute et le respect de ce qui se dit là.

Mais trop peu encore accèdent à ses pratiques.
D’autres thérapeutes – Edmée Gaubert, Sophie Metthey – ont aussi témoigné de ce qui se joue pendant la gestation pour le fœtus18. On peut lui parler, aller à sa rencontre. Nous savons prouver aujourd’hui que nos pensées influencent sa constitution. Cela fait partie des nombreuses connaissances reprises par Marie Andrée Bertin lors de la conférence de Biarritz en 200219.

La naissance du point de vue du bébé, le cœur de ce livre
Mais ce dont je parle dans ce livre, c’est en quelque sorte du chaînon manquant ou tout au moins lacunaire par rapport à tout ce qui a été dit jusqu’à ce jour en matière de natalité et périnatalité. Ce que je développe ici ne concerne pas la vie fœtale durant les neuf mois de la grossesse, même si je relate quelques témoignages de fœtus qui viennent étayer le propos d’Edmée Gaubert.

Cela ne vise pas non plus l’accompagnement de la femme qui accouche, même si, de fait, cela l’influence.
Tout cela a déjà été dit.
Ce dont je parle touche essentiellement au moment de la naissance du point de vue du bébé.
Or, concernant le rapport parents/équipe soignante et nourrisson lors du processus de naissance, rien n’est pensé encore.
Et pour cause, on n’imagine pas que quelque chose pourrait se faire « à cet endroit-là ».
Pour l’imaginer, avoir revécu sa naissance est une aide précieuse.
Cependant, les pratiques permettant de revivre et réparer sa naissance n’ont pas eu le succès attendu.

Elles furent vécues comme difficilement accessibles, voire ésotériques ; peu s’en sont emparés.
La porte d’entrée pour accéder à ce parcours était aléatoire. La façon de faire le parcours faisait peur. Cela était vécu avec une certaine violence dans la mesure où les mémoires trauma- tiques arrivaient « en bloc », de façon désordonnée, et étaient donc difficiles à appréhender. Elles n’étaient d’ailleurs pas présentées comme des mémoires traumatiques, mais comme des accès à une conscience quasi supra normale.

De ce fait, les mémoires natales et périnatales restent largement inexplorées même si des psychopraticiens ou psychothérapeutes de plus en plus nombreux s’y intéressent, notamment via la guérison des traumas précoces.

Aujourd’hui, il est possible d’accompagner ce voyage de la naissance en pleine conscience grâce à des méthodes telles que l’EMDR, plus accessibles, plus scientifiquement validées21, j’y reviendrai.
Cela nécessite cependant que nous, accompagnants, quels que soient notre formation ou nos outils, soyons ouverts à accueillir l’inconcevable, que nous, accompagnants, ayons traversé aussi des mémoires traumatiques.

Nous assistons alors, ébahis, au revécu de ce qui nous est arrivé lors de notre naissance alors qu’au départ, nous ne savions pas même que cela allait se produire ni que cela était possible.

De ce revécu nous constatons qu’en termes de processus, beau- coup de choses se sont mises en place à ce moment de notre vie.

Des choses qui se sont ancrées en nous alors, et qui se représentent au long de notre vie, particulièrement si ces choses ont fait trauma22.

C’est une occasion unique d’en prendre conscience et de ne plus les subir.
Or, à ma connaissance, personne aujourd’hui n’a compris qu’il serait important de communiquer avec le bébé lorsqu’il est sur le point de naître. Personne ne lui parle, ne l’encourage pendant le processus de la naissance. Personne n’a décrit ce qui se joue pour chaque humain lors de la naissance en des termes assis sur les données de la théorie du stress et du trauma.

À ma connaissance encore, personne n’a décrit cela dans un esprit d’accueil et de non-jugement qui permette de sortir de la culpabilité ceux qui donnent à naître, à savoir les parents et l’équipe médicale...

Le grand public n’a pas pu comprendre en quoi la naissance est l’empreinte fondamentale23 ; en quoi elle constitue un moule sur lequel s’appuient les expériences que nous allons être amenés à vivre, moule qui peut devenir un carcan très limitant.

Enfin, je n’ai pas vu que l’accès à ce voyage soit connu du grand nombre ni même d’une grande part de mes collègues praticiens et thérapeutes.

Mon propos est donc d’éclairer la naissance à partir de ces connaissances de base, de témoigner de ma pratique.

J’aspire à ce qu’elles soient enfin entendues et répandues.
Bien sûr, j’espère que cela aura aussi un impact sur la façon dont on pourra accompagner les parents lors de la naissance de leur enfant.

J’espère aussi que, dans la mesure où cela corrobore grandement les conclusions que Leboyer et Odent ont tirées de leurs accompagnements d’accouchements, cela permettra de soutenir la généralisation de leurs souhaits en ajoutant des arguments aux leurs.

Et rêvons un peu : j’aspire à ce que nous thérapeutes, parents, équipe médicale et soignante, nous puissions travailler ensemble, à égalité de position, chacun à sa pleine et entière place.

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2 Michel Odent, chirurgien et obstétricien français ayant œuvré pour améliorer les conditions de naissance ; Frédérick Leboyer, gynécologue et obstétricien français, inventeur de la méthode Leboyer (Frédérick Leboyer, Pour une naissance sans violence, Points, 1974) ; Stanislas Grof, psychiatre, inventeur du concept des matrices périnatales fondamentales, père de la psychologie transpersonnelle, auteur de Psychologie transpersonnelle, éditions du Rocher, 1996.
3 Otto Rank (Le Traumatisme de la naissance, Paris, Payot, coll. « Petite Biblio- thèque Payot », 1924 ; Bernard Montaud, psychanalyste corporel, L’Accompagnement de la naissance, Editas, 1998, Frans Veldman, fondateur de l’haptonomie, auteur de Haptonomie, science de l’affectivité, PUF, 2007.
4 Luc Nicon, inventeur de la méthode TIPI.
5 « Préparation et guérison des traumatismes et des négligences précoces (0-3 ans) »,
Katie O’Shea, thérapeute EMDR (Conférence EMDR Istanbul 2006).
6 L’argumentaire présenté mardi 11 décembre [2013] au siège de l’Inserm, à Paris, par Yehezkel Ben-Ari (fondateur et directeur honoraire Inserm de l’Institut de neurobiologie de la Méditerranée, Marseille). /www.sciencesetavenir.fr/sante/20140206.OBS5442/autisme-l-hormone-de- l-accouchement-impliquee.html
7 Marie Cardinal, Les mots pour le dire, Livre de Poche, 1977.
8 Isabelle Filliozat, L’Intelligence du cœur, Livre de Poche, 2013, publié chez Lattès
en 1997, et Anne-Marie Filliozat, Gérard Guasch, Aide-toi, ton corps t’aidera, Albin Michel, 2006.
9 Thérapie inventée par Éric Berne.
10 Thérapie inventée par Wilhelm Reich.
11 Thérapie intégrative établie par Grinder et Bandler à partir des connaissances
des experts de l’époque : Perls, Erickson notamment.
12 Inventée par Stanislas Grof, concepteur des matrices périnatales.
13 L’EMDR (Eyes Mouvement Dissociation Retraitement), la somatothérapie (ou
somatic experiencing), les thérapies psycho-organiques ou psychocorporelles et TIPI (Technique d’identification des peurs inconscientes) : approches psychothérapeu- tiques utilisant notamment les sensations corporelles dans leur processus thérapeutique et permettant de contacter les mémoires de naissance.
14 Frédérick Leboyer, Pour une naissance sans violence, op. cit.
15 Michel Odent, Bien naître, Seuil, 1976 (entre autres ouvrages).
16 http://www.unicef.org/french/nutrition/index_24806.html
17 Frans Veldman, Haptonomie, science de l’affectivité, PUF, 2007.
18 Edmée Gaubert, De mémoire de fœtus, Souffle d’Or, 2011 ; Sophie Metthey, Vivre
et transmettre le meilleur pendant sa grossesse, Souffle d’Or, 2012.
19 Conférence de 2002 par Mme Andrée Bertin, « Pour une éducation à la culture de la Paix » : www.omaep.com/.../periode-prenatale-fondatrice-etre-h.../. Voir l’annexe A.
21 L’EMDR, du fait des nombreuses études scientifiques validant ses résultats, est recommandée par l’OMS.
22 Du grec trauma, qui signifie « blessure », « plaie ».
23 Bernard Montaud expose cette même idée dans son livre, L’accompagnement de la naissance, op. cit. Mais peu l’ont compris. Peut-être la dimension spirituelle a-t-elle fait obstacle à sa diffusion.




 
Sylvie Prager-Séchaud

 

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