Napoléon à Sainte-Hélène / LA CONQUÊTE DE LA MÉMOIRE

 EXPOSITION
6/4/2016 – 24/7/2016

Naoléon à Sainte-Hélène / LA CONQUÊTE DE LA MÉMOIRE
C’est fini : Napoléon Ier à Sainte-Hélène
Oscar Rex (1857-1929), huile sur toile (détail)
© Musée national
des châteaux de Malmaison
et Bois-Préau

Général de division Christian Baptiste Directeur du musée de l’Armée

Dans la programmation d’un musée d’histoire, la logique commémorative va, en quelque sorte, de soi. Le musée de l’Armée a ainsi tenu depuis ces cinq dernières années à saisir ces occasions fournies par le calendrier pour renouveler l’approche de sujets majeurs, en s’appuyant sur les acquis de la recherche la plus récente et en répondant aux interrogations les plus actuelles des visiteurs.

Mais un thème peut s’imposer de lui-même par une actualité qui échappe à la loi des chiffres ronds et des anniversaires. Ainsi, l’évocation de la fin du « vrai » d’Artagnan sur laquelle s’achevait le parcours de l’exposition Mousquetaires ! faisait-elle un écho saisissant aux réflexions et débats tout récents sur le prix de la vie du soldat. L’actualité surgit parfois là où on l’attend le moins : au détour de l’histoire, du moins pour qui sait lui poser les bonnes questions.

S’agissant de l’exposition Napoléon à Sainte- Hélène, on peut dire que sa tenue en 2016 est fortuite, puisque le bicentenaire de l’exil de 1815 ou celui de la mort en 1821 de l’empereur déchu auraient constitué des échéances plus attendues. Elle est, aussi, paradoxalement nécessaire, tant les circonstances qui l’ont rendue possible apparaissent exceptionnelles, imposant un tel projet avec la force de l’évidence. L’opération ambitieuse et littéralement sans précédent, qui a permis au ministère des Affaires étrangères et du Développement international, dont relèvent les Domaines nationaux de Sainte- Hélène, et à celui de la Culture et de
la Communication, tutelle du musée national des châteaux de Malmaison et Bois-Préau, d’unir leurs efforts sous l’impulsion de la Fondation Napoléon, avec le concours de donateurs aussi nombreux que généreux et le soutien du gouvernement de Sainte-Hélène pour restaurer Longwood House et son mobilier, offrait en effet une superbe opportunité de présenter au public parisien, français et plus largement international,
un avant-goût de la visite à Sainte-Hélène, que la conjonction de la réouverture des domaines napoléoniens et de la mise en service de l’aéroport de l’île rendra bientôt accessible au plus grand nombre.

Bien que le séjour de l’empereur déchu l’ait éloigné des capitales européennes et des champs de bataille où semblait se décider l’avenir du continent, Sainte-Hélène nous parle de l’histoire et du pouvoir, mieux, peut-être, que tout autre endroit saturé des symboles qui y sont attachés.

D’abord par la simple juxtaposition d’objets modestes, dont la médiocrité rappelle quotidiennement la dureté du châtiment infligé, et de pièces prestigieuses provenant des palais impériaux : résumé saisissant de la situation de l’exilé qui s’efforce de rester lui-même en un lieu et dans un décor qui lui rappellent qu’il est déjà un autre, au moins aux yeux de ses geôliers. L’histoire contemporaine et ses soubresauts des dernières décennies offrent à notre mémoire des exemples de bouleversements politiques, restitués parfois par des médias impitoyables, qui ont mis à nu des chefs d’État et les attributs symboliques de leur fonction, soudainement frappés d’obsolescence.

Ensuite parce que, à l’image de César, Napoléon, qui l’a mieux lu que personne, entend écrire l’histoire par les mots après l’avoir écrite à coups d’épée, de lois et de décrets pendant plus d’une décennie. Sous nos yeux, par un étonnant renversement, le vaincu glorieux prend ainsi une revanche éternelle sur la cohorte de ses vainqueurs réduits au rang de comparses, voire de figurants.
 
Enfin, quel sujet mieux que la conjonction de l’exil de l’Empereur à Sainte-Hélène et de son œuvre écrite depuis sa prison peut illustrer la difficile question des relations qu’entretiennent histoire et mémoire ?
Dans un passage souvent cité et commenté de Clio, Charles Péguy dit qu’elles « forment un angle droit », et cette image incite à la prudence... dans un musée d’histoire. L’antagonisme qu’elle suggère s’incarne, en l’hôtel national des Invalides, par la proximité du tombeau et des bas-reliefs programmatiques qui l’entourent d’une part, des salles napoléoniennes du musée d’autre part. Cet antagonisme peut être surmonté, dépassé, pourvu que l’on s’attache à aborder la mémoire et sa construction comme des faits historiques, avec l’œil de l’historien.
 
Le visiteur de l’exposition sera seul juge du succès de cette entreprise, menée par les commissaires Émilie Robbe, déjà chargée de Napoléon et l’Europe voilà trois ans, et Michel Dancoisne-Martineau, son alter ego malgré les milliers de kilomètres qui les séparent, assistés d’un comité scientifique particulièrement brillant, présidé par le professeur Mascilli-Migliorini, en lien avec les institutions partenaires de l’exposition
et avec le soutien sans faille du CIC.
 
 
 
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