Naoléon à Sainte-Hélène / LA CONQUÊTE DE LA MÉMOIRE-2

 EXPOSITION
6/4/2016 – 24/7/2016

 
Carte de la Campagne de France © musée de l’Armée
 
Carte de la Campagne de France
© musée de l’Armée

L’ÎLE PRISON
Les puissances européennes considèrent l’empereur déchu comme un prisonnier. La Grande-Bretagne est désignée responsable de sa garde, sous l’œil de commissaires que doivent envoyer l’Autriche, la Russie, la Prusse et la France.
À 2 000 km au large de la côte ouest de l’Afrique et à 5 600 km de Buenos Aires, Sainte-Hélène est un choix parfait pour décourager toute tentative d’évasion. Propriété de l’East India Company britannique, l’île accueille les navires marchands sur la route des Indes. La défense des côtes est renforcée
et des unités militaires s’ajoutent à l’unique régiment de Sainte-Hélène. Pour le temps de la captivité de Napoléon, l’île sera gérée par un lieutenant général aux ordres directs du ministre anglais de la Guerre et des Colonies. L’amiral Cockburn remplit cet office jusqu’à l’arrivée de sir Hudson Lowe, le 14 avril 1816.
Au début de l’exil, la presse et la caricature s’emparent de l’image que l’Empereur avait lui-même construite et à laquelle il est plus que jamais attaché, soulignant le contraste entre l’étroitesse de son nouveau domaine et son ambition sans limite.

LE DOMAINE DE LONGWOOD, LA DERNIÈRE RÉSIDENCE
Pour loger le prisonnier, il ne peut être question de Plantation House, demeure du gouverneur. Le temps de préparer une habitation convenable, l’amiral Cockburn l’installe donc au domaine des Briars. Napoléon y occupe un pavillon exigu, mais bénéficie de l’accueil chaleureux des propriétaires, la famille Balcombe. Les facéties de leur cadette, Betsy, égaient un peu sa mélancolie.
Le 10 décembre, il emménage dans la ferme de Longwood, sur un morne plateau. Là, le relief arrête les nuages pour en faire le point le moins ensoleillé et le plus humide de toute l’île. Le brouillard et le vent y dominent, même l’été. La seule vue sur la mer est rarement dégagée.
Des casernes sont bâties, contrôlant l’unique route. Pour quitter l’enceinte où il est librede ses mouvements, Napoléon doit être accompagné d’un officier anglais. Il s’y refuse. Il ne va pas non plus aux dîners du gouverneur, où il ne serait pas traité en Empereur. Quant aux courses de chevaux, grande distraction de l’île, il les regarde de loin, à la lunette. Il laisse, autour de lui, l’espace se resserrer comme un étau.

LA BATAILLE DE SAINTE-HÉLÈNE
Les conditions pénibles de la vie à Longwood s’ajoutent aux frictions avec le gouverneur ; à la morosité et à la mesquinerie des conditions de sa captivité ; aux mésententes de son entourage. Pourtant, dès le voyage à bord du Northumberland, l’Empereur a décidé de se battre pied à pied pour ce qui lui reste.
« Je veux écrire les grandes choses que nous avons faites ensemble ! », avait-il dit à ses grognards alors qu’il partait pour l’île d’Elbe, en 1814. À Sainte-Hélène où, partout, pèse le sentiment d’une inéluctable déchéance, le passé prend chaque jour plus de valeur encore.
Plus l’espace se comprime autour de lui, plus le temps devient pour l’Empereur un enjeu impérieux.
Il organise donc sa vie comme une campagne. Jouant le rôle d’état-major et de garde impériale, sa suite est mise à contribution sans relâche. Les Anglais, gouverneur Lowe en tête, endossent – avec brio – le rôle de l’ennemi. Tous finissent, d’une manière ou d’une autre, par écrire à leur tour. L’histoire devient ainsi l’ultime champ de bataille. La mémoire, l’ultime conquête.

LA DERNIÈRE HEURE
À Sainte-Hélène, l’Empereur est vaincu, loin de ceux qu’il aime, réduit à l’inaction autant par ses geôliers que de son propre fait. Les bons moments, comme ceux passés aux Briars chez les Balcombe en 1815, se font rares.
Des sursauts de volonté le poussent à écrire ou à jardiner avec passion, mais son moral et sa santé se dégradent rapidement à partir de 1817. N’ayant plus rien de grand à faire, il semble se résoudre à ne plus être.
Pour la Grande-Bretagne, et pour le gouverneur qui exécute ses ordres, la responsabilité de sa garde est à double tranchant. Il faut se montrer ferme, autant pour empêcher toute évasion que pour briser en lui toute volonté de revenir sur la scène politique. Il ne faut pas non plus prêter le flanc à l’accusation d’avoir causé, même indirectement, sa mort. L’Empereur, conscient de ce dilemme, tente de prendre sa revanche en inscrivant à son testament : « Je meurs prématurément, assassiné par l’oligarchie anglaise et son sicaire [Lowe] ; le peuple anglais ne tardera pas à me venger. »

UNE TOMBE MUETTE DANS LA VALLÉE DU GÉRANIUM
Sur la route de Jamestown, le long du cratère du Bol à Punch du Diable, se trouve un vallon verdoyant. Napoléon, qui l’avait découvert au détour d’une promenade, appréciait l’eau de sa source. C’est là qu’il a voulu être inhumé, comprenant qu’il ne pourrait reposer en terre française.
Le 6 mai 1821, une fosse est creusée à l’ombre de deux grands saules.
Après l’autopsie, pratiquée par le Dr Antommarchi, le corps de l’Empereur est exposé dans la chambre à coucher, devenue chapelle ardente. Le 9 mai, le convoi funèbre quitte Longwood. Les Anglais lui rendent les honneurs dus à un général. Placé dans quatre cercueils emboîtés – un de fer-blanc, un de bois exotique, un de plomb, un dernier d’acajou – le corps de l’Empereur est mis en terre.
La tombe est couverte de trois dalles prélevées dans la cuisine de New House. Les Français voudraient y faire inscrire : « Napoléon. Né à Ajaccio le 15 août 1769, mort à Sainte-Hélène le 5 mai 1821 », mais le gouverneur tient à y apposer le nom de Bonaparte. Cet ultime avatar du conflit qui
a marqué l’exil ne trouve pas d’issue. La tombe est donc laissée vierge.
 
 
Télécharger le programme complet de l'exposition

 

Plus d'infos sur www.musee-armee.fr