Exposition "guerres secrètes " / Musée de l'armée

Rarement exposition est apparue aussi difficile à traiter que celle que le musée de l’Armée propose en cet automne 2016. Peut-on imaginer une gageure, un défi plus difficiles à relever que de montrer ce que sont les guerres secrètes ; que d’exposer au grand public et au grand jour ce qui relève, comme son nom l’indique, du confidentiel, voire du mystérieux ?

 

 

Rarement exposition est apparue aussi difficile à traiter que celle que le musée de l’Armée propose en cet automne 2016. Peut-on imaginer une gageure, un défi plus difficiles à relever que de montrer ce que sont les guerres secrètes ; que d’exposer au grand public et au grand jour ce qui relève, comme son nom l’indique, du confidentiel, voire du mystérieux ?

Le tout sans sombrer dans la facilité et le spectaculaire qui dénatureraient le propos ni, à l’inverse, interférer dans les relations entre puissances et risquer inutilement de les compromettre en en révélant les ressorts qui relèvent de leurs intérêts supérieurs.

À cet égard, cette exposition s’inscrit dans le droit fil des précédentes initiatives du musée de l’Armée, notamment les expositions qui tour à tour en 2012 et 2013, ont présenté à nos concitoyens ces pages complexes et douloureuses de notre histoire, que furent la colonisation et la décolonisation de l’Algérie puis de l’ancienne Indochine. Elle s’apparente aussi aux aménagements réalisés en 2014 dans le parcours permanent consacré à la Grande Guerre, qui ont permis d’y donner, à la demande du Président de la République, une place aux soldats fusillés et au regard que portent sur eux la société française et les historiens jusqu’à aujourd’hui. À la condition de renoncer aux jugements à l’emporte-pièce, de faire œuvre d’historien, en exposant les faits avec précision, en présentant l’ensemble des acteurs, en ne négligeant aucune des approches, en donnant à lire et à entendre les diverses analyses pour ce qu’elles sont sans en écarter aucune a priori, de tels projets sont l’occasion de réfléchir ensemble à cette histoire commune qui nous constitue, sans chercher à créer une unanimité de façade et un consensus factice mais en offrant un moment de partage grave et serein, base indispensable du vivre ensemble.

Sous bien des aspects, les enjeux d’un tel projet sont nombreux d’une actualité aigüe. Le développement des guerres secrètes – dont les historiens s’accordent à dater l’émergence des dernières décennies du XIXe siècle – ; la conception des moyens qui leur sont propres ; la réflexion, tant théorique que pratique, sur les modalités et les conditions de leur mise en œuvre, font un écho saisissant à la question brûlante aujourd’hui posée aux États et singulièrement aux démocraties comme la nôtre : Qui est l’ennemi ? Comment le combattre ?

Ce sont les guerres secrètes qui, les premières, ont mis en évidence les « zones grises » que le ministre de la Défense a récemment désignées comme le signe de la porosité des frontières entre la paix et la guerre ; entre le monde civil et le monde militaire ; entre ce qui relève de la politique, de la diplomatie, de l’économie, de la police et de la justice.

Dans sa forme et son périmètre même, l’exposition Guerres secrètes s’efforce d’offrir un reflet fidèle et aigu des enjeux propres aux guerres secrètes et à leur traitement public. C’est le sens du choix, pour ouvrir le propos, de la seconde moitié du XIXe siècle. C’est alors, en effet, que se mettent en place les « services », c’est-à- dire un véritable appareil d’État consacré au renseignement et au contre-espionnage et que se posent, très tôt, les questions de son organisation et de ses relations avec l’armée et la police. Quelques décennies plus tard éclate l’affaire Dreyfus qui déchire la société et la classe politique françaises, agissant comme un révélateur des tensions et clivages qui la traversent.

Si le parcours proposé aux visiteurs s’arrête peu ou prou à la fin de la Guerre froide, c’est évidemment pour permettre le nécessaire recul face aux faits relatés et exposés. C’est aussi et surtout pour une raison inhérente au propos, qui tient au caractère encore confidentiel de faits récents ; à la classification des documents qui s’y rapportent ; au devoir enfin de ne pas faire courir de risques aux sources mobilisées par les services, dont la protection est une obligation légale.

Les objets et documents présentés sont mis en perspective par des entretiens avec des acteurs des guerres secrètes : responsables politiques, hommes d’État comme les anciens premiers ministres Michel Rocard, Édouard Balladur, Jean Pierre Raffarin, mais aussi Pierre Joxe qui fut ministre de l’Intérieur puis de la Défense ; ancien des services comme Daniel Cordier qui fut agent du BCRA,
le Préfet Pautrat ancien directeur de la Surveillance du Territoire et le général Heinrich, premier directeur du Renseignement Militaire. Chacun d’entre eux livre un regard sur les grands enjeux d’un domaine qui lui est familier.

 

Jean Dujardin dans le film OSS 117, Rio ne répond plus
Jean Dujardin dans le film OSS 117, Rio ne répond plus, Michel Hazanavicius © DR


Enfin, il n’était pas possible d’aborder un tel sujet sans faire leur place aux fictions, littéraires et cinématographiques, qui se sont nourries des guerres secrètes. Nombre d’entre elles en effet traitent de faits historiques, beaucoup sont dues à des auteurs familiers de cette matière, notamment pour avoir eux-mêmes été actifs dans les services. Les mentionner, les présenter avec la distance critique nécessaire, permet de montrer la part du mythe dans les images héroïques qu’elles véhiculent parfois et de rendre toute leur place au « courage » anonyme que salue Michel Rocard, à la « banalité des acteurs du monde secret » soulignée par John le Carré dans le catalogue. Cette réalité, à la fois quotidienne, modeste, pleine d’abnégation, indispensable et parfois héroïque est ainsi mise à l’honneur.

Dans le contexte actuel où émergent des conflits armés d’un nouveau type, cette exposition montre en quoi les guerres secrètes sont un des modes d’action des États contemporains, tant du point de vue politique et diplomatique que militaire.

La période couverte s’ouvre avec le Second Empire, au cours duquel se mettent en place les premières institutions destinées au renseignement ; elle se termine à la chute de l’Union soviétique en 1991. La Seconde Guerre mondiale tout comme la Guerre froide tiennent une place essentielle dans l’exposition. Si la France en constitue le fil directeur, la Grande-Bretagne, l’Allemagne, les États-Unis et l’Union soviétique sont également représentés.

–––––––––––––––––––––– Confronter fiction et réalité ––––––––––––––––––––––
Univers souvent fantasmé, le monde secret du renseignement et des actions clandestines est connu du grand public par la fiction. Loin de le nier, l’exposition part des images et des clichés qui peuplent l’imaginaire collectif pour aider ses visiteurs à mieux comprendre ce moyen d’agir essentiel des États contemporains. Si l’objectif n’est pas de lever le voile sur les grandes affaires d’espionnage, le parcours proposé offre des clefs de lecture pour mieux démêler le vrai du faux en s’appuyant sur des archives audiovisuelles et des extraits de films de fiction. Opposant l’ombre et la lumière, le visible et l’invisible, la transparence et l’opacité, elle permet d’appréhender la réalité complexe du renseignement et de l’action clandestine.

–––––––––––––––––––––  Contexte, objectifs, hommes et moyens des guerres secrètes  ––––––––––––––––––––––––––
Cette première partie rappelle la création des services secrets, leur organisation et leur évolution, le métier et les moyens de l’agent. Conçu tel un « mode d’emploi », elle présente le contexte et la conception des guerres secrètes, qui jouent le rôle d’un instrument intermédiaire entre les guerres ouvertes et l’action diplomatique menée par les États. L’organisation et l’évolution des services secrets français mais aussi britanniques, américains et soviétiques sont exposées par l’évocation de responsables et de lieux emblématiques du renseignement tels les bureaux de la CIA à Washington puis à Langley en Virginie ; du SOE à Baker Street, rue des détectives privés à Londres ; du MI6 dans le quartier de Vauxhall sur les bords de la Tamise...

Elle propose par ailleurs une typologie des agents, détaillant leur recrutement, leur formation et les moyens mis à leur disposition pour mener à bien leurs missions. Contrairement à l’image qu’en donne la fiction, les agents ne cumulent pas de nombreuses fonctions, mais ont chacun leur spécialité propre.

–––––––––––––––––––––––––– La mise en œuvre des guerres secrètes : formes et mécanismes ––––––––––––––––––––––––––
La deuxième partie ouvre sur l’action en présentant la diversité des opérations confidentielles, secrètes et clandestines, en expliquant les deux grandes fonctions assignées aux services secrets, que sont le renseignement et le contre-espionnage d’une part, les opérations spéciales, la désinformation et la déstabilisation d’autre part.

Les opérations clandestines et subversives consistent à « voir l’invisible », à être invisible, à surprendre l’adversaire sans se faire surprendre, à agir dans l’ombre, grâce à des moyens humains ou techniques : renseignement, contre- espionnage, sabotage, attentats, opérations d’élimination, enlèvements, désinformation et propagande. Ces actions, par nature illégales à l’étranger, s’inscrivent dans un cadre de contrôle spécifique, non sans éventuelles tensions entre le donneur d’ordre gouvernemental et les services chargés de leur exécution. Comme une mise en lumière, la fin du parcours rappelle certaines opérations dévoilées au grand jour par les médias. Constituant le plus souvent un signe d’échec, cette irruption dans la sphère publique des affaires et parfois de leurs acteurs peut en outre occasionner des dégâts collatéraux.

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Près de 400 objets
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L’exposition réunit pour la première fois un ensemble de près de 400 objets et documents d’archives, pour la plupart inédits. Elle bénéficie de grands prêts d’institutions nationales et privées françaises, britanniques et allemandes, en particulier la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), le Combined Military Museum en Angleterre (Maldon, Essex), le MM Park (La Wantzenau) dont l’ouverture au public est prévue pour fin 2016, le service historique de la Défense (Vincennes), mais également la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), les Archives nationales (Pierrefitte-sur- Seine), le Mémorial de Caen, la British Library (Londres), le National Archives (Kew), le Museum in der « Runden Ecke » (Leipzig), l’AlliiertenMuseum (Berlin). De nombreux objets proviennent également de collections particulières remarquables.

Pour la fiction, EON Productions (Londres), producteur historique de James Bond, le musée Gaumont (Neuilly- sur-Seine), producteur des OSS 117 de Michel Hazanavicius et Mandarin Productions, producteur de la série

–––––––––––––––––––––Un dispositif spécifique destiné aux jeunes publics –––––––––––––––––––––
Un dispositif jeune public propose 12 cartels apportant des clefs de lecture pour décrypter les objets présentés, un livret-jeux pour mener l’enquête tel Sherlock Holmes et des visites ludiques.

–––––––––––––––––––––––––– Plus de 30 postes multimédias ––––––––––––––––––––––––––
33 postes multimédias, réalisés avec le concours du CIC, rythment le parcours, diffusant extraits de films de fictions, archives audiovisuelles et sonores, jeu et animations.

Parmi eux figurent un grand nombre d’interviews :
- celles des anciens Premiers ministres Michel Rocard, Édouard Balladur et Jean-Pierre Raffarin, ainsi que de l’ancien ministre de la Défense Pierre Joxe ;
- celles de grands commis de l’État, le préfet Rémy Pautrat, ancien directeur de la Direction de surveillance du territoire (DST) et le Général Jean Heinrich, ancien directeur du renseignement militaire ;
- celle d’une grande figure de la Résistance, Daniel Cordier, ancien membre du Bureau central de renseignement et d’action (BCRA) et compagnon de la Libération ;
- ou encore celle de Jean-François Halin, scénariste des OSS 117 et co-créateur de la série Au service de la France.

–––––––––– Partenaires ––––––––––
Cette exposition est organisée avec le soutien de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), de l’Établissement de communication et de production audiovisuelle de la Défense (ECPAD),
ainsi que du CIC, grand partenaire du musée de l’Armée.

 

Programme complet de l'expo (PDF)

 

musee-armee.fr
Accès
8 La Tour-Maubourg 13 /  13 Varenne - C Invalides

Horaires
Exposition du 12 octobre 2016
au 29 janvier 2017
Ouvert tous les jours (sauf le 25 décembre et le 1er janvier)
de 10h à 18h (jusqu’au 31 octobre)
de 10h à 17h (à partir du 1er novembre)

Tarifs
8,50€ l’exposition ou 12€ le billet couplé avec le musée
Gratuit - 18 ans
Tarif groupe (+10 personnes) 7,50€ Billetterie en ligne musee-armee.fr