Les Vierges noires, pourquoi ?

 


Ce « pourquoi » a un double sens. C’est d’abord l’adverbe interrogatif qui cherche à savoir la cause, la raison, le motif ; mais c’est aussi un mot qui implique des conséquences, qui demande quel est le but, l’intérêt.
Se poser la question du pourquoi des Vierges noires, c’est s’obliger à chercher la causalité et la finalité. Nous devons donc nous intéresser à la double proposition de l’amont et de l’aval.

Pour comprendre les Vierges noires, il faut d’abord profondément pénétrer le Moyen Âge et tout à la fois la façon de penser et la culture des hommes qui ont créé cette statuaire au sein de l’Église.

Nous croyons connaître cette époque. À la suite de l’enseignement scolaire, les romans, les films ont popularisé l’an mil et les siècles qui ont directement suivi.

La vérité est que nous n’avons rien compris, que nous avons passé et continuons de passer à côté d’une civilisation aussi hermétique que celle des Précolombiens, des Égyptiens, des Étrusques ou de l’Afrique subsaharienne. en huit siècles les mots ont changé de sens ; on a perdu la signification des couleurs ; chaque geste était un symbole.

Le romantisme a cru redécouvrir le Moyen Âge qualifié alors de barbare, mais en fait ce n’était qu’une admiration pour l’aspect extérieur des cathédrales, pour une science des bâtisseurs perdue, pour un art de la statuaire que l’on pensait achevé. Contrairement à ce qui est couramment enseigné, la renaissance n’est pas la fin du Moyen Âge, elle est issue de sources grecques et romaines et elle arrive alors que la civilisation médiévale qui a connu son apogée aux XIIe et XIIIe siècles s’est éteinte après une rapide décadence. elle est une civilisation engloutie.

Il ne faut donc pas aborder les Vierges noires comme les précurseurs des statues qui ornent les églises et surtout nos musées. Ces statues sont des œuvres d’art au sens plein du terme. or il n’est pas question d’art dans la création d’une Vierge noire, nous verrons que des règles strictes commandent sa conception.

Ce qui nous a longtemps trompé est que les artistes ont copié ces représentations, en les interprétant à leur façon. La preuve qu’ils ne comprenaient plus ce qu’ils faisaient.

Les dernières synthèses qui ont voulu faire le point sur les Vierges noires datent de la première moitié du XXe siècle avec Durand- Lefebvre en 1937 (Étude sur l’origine des Vierges noires) et Saillens en 1945 (Nos Vierges noires). Plus près de nous, Huynen en 1972 (L’Énigme des Vierges noires) et Bonvin en 1988 (Vierges noires, la réponse vient de la terre) ont fait œuvre utile en tentant de décrypter ces statues, mais dès que l’on touche à la vérité qui dérange, certaines per- sonnes s’autoproclamant spécialiste de la question s’élèvent contre ces travaux comme le fait ce fonctionnaire à l’université de rennes, qui écrit à propos de ces deux chercheurs : les Vierges noires « ont constitué une proie toute désignée pour la littérature de l’ésotérique dont le moins que l’on puisse dire est qu’elle manque de bases solides ».

Il est vrai que cette statuaire, qui n’est pas inclassable, mais que les « spécialistes » n’ont pas été capables de classer, dérange aussi bien dans les milieux de l’art, au sein d’une certaine Église, que tout simplement chez les personnes qui ont un peu de raisonnement. Ce n’est pas en ignorant ou, au mieux, en traitant avec mépris ce que l’on ne comprend pas que disparaîtront les vraies questions, qui ne sont jamais que la vie et la pensée de nos ancêtres.

Pas un saint, pas un christ n’a eu cette couleur. Le seul que l’on connaisse, alors que tout se passe au Moyen-orient, est un des rois mages, et encore, n’apparaît-il qu’à partir du XIVe siècle.

La plupart des sanctuaires mariaux impor- tants où se déroulaient les grands pèlerinages, et la majorité des hauts lieux de spiritualité abritaient une Vierge noire. Ces statues dont le visage et parfois les mains ont été peints en noir sont les objets du culte et de la vénération des fidèles et des pèlerins qui parfois parcouraient des centaines de kilomètres à pied pour leur rendre hommage.

On peut dire que certains sanctuaires étaient des « stars » du pèlerinage. Ainsi celui du Puy qui vit défiler cinq papes et quatorze rois de France. Chaque jour, des centaines de pèlerins se pressent pour s’agenouiller devant la Vierge. une des rues jouxtant la cathédrale s’appelle encore la rue des Tables, rappel des tables des échoppes où en grand nombre étaient vendus les souvenirs du pèlerinage et divers objets de piété à emporter à ceux qui n’avaient pu faire le déplacement (comme cela se fait encore de nos jours à Lourdes, Lisieux, Fatima et dans tous les lieux de pèlerinages perpétuels).

À noter que lorsque le Vendredi saint tombait un 25 mars, c’est-à-dire coïncidait avec le jour de l’Annonciation, cette année-là avait lieu un grand jubilé à l’occasion duquel étaient déli- vrées faveurs et indulgences.

on a du mal à imaginer la foule des pèlerins drainée par un jubilé : des centaines de milliers de personnes. Heureusement les chroniqueurs ne sont pas passés à côté de tels événements et grâce à eux on connaît, parfois émaillés de savoureuses anecdotes, la passion et l’enthousiasme qui accompagnaient la foule.

Ainsi, Juvénal des ursius nous indique que lors du jubilé de 1407, plus de 200 personnes périrent étouffées au milieu des 200 000 pèlerins. Médicis explique qu’en 1502, si on laissait tomber quelque chose au sol, on n’osait pas le ramasser de peur d’être piétiné. Il précise, qu’« y rendirent leur âme à Dieu plus de cent personnes et que les quatre mille confesseurs mobilisés furent insuffisants ! »

Thierry  Wirth            
                                                                              

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