Le Conseil national de l’Ordre des médecins publie son avis sur ‘l’ubérisation’ des prestations médicales

 

Répondre aux besoins médicaux des patients
sans laisser s’installer une ubérisation de la médecine.

 

 Dans un rapport publié aujourd’hui et visant à accompagner le développement des nouvelles voies offertes par la télémédecine et l’e-santé au bénéfice des patients, l’Ordre propose des modifications de la réglementation pour favoriser le développement de la télémédecine au quotidien sur les territoires et dans le cadre du parcours de soins. L’Ordre demande dans le même temps une régulation des offres du secteur marchand.  

 

Ayant constaté une tendance accélérée vers « l’ubérisation de la santé », le CNOM avait lancé le 18 décembre 2015 une mission pilotée par le Docteur Jacques Lucas, vice-président, délégué général aux systèmes d’information en santé, pour examiner la conformité des nouvelles prestations médicales relevant de l’ubérisation de la santé.

 

Si la mission de l’Ordre a été lancée peu après la mise en ligne d’une plateforme qui propose, via un site internet, un deuxième avis médical, d’autres offres sont concernées, comme celles relatives à des téléconsultations proposées par des assureurs privés, en dehors du parcours de soins et de la prise en charge par l’Assurance maladie ou celles de sites qui proposent, à titre onéreux, des téléconseils personnalisés.

 

Le Conseil National de l’Ordre des Médecins, par la voix de son Président Patrick Bouet,  souligne :

 

« Le CNOM constate qu’au terme de la Grande consultation qu’il a conduite, 70% des médecins indiquent la nécessité d’intégrer le numérique dans l’organisation des soins sur les territoires. Le CNOM, se faisant l’interprète de la profession, se place résolument dans une dynamique d’accompagnement des nouvelles voies offertes par la télémédecine et l’e-santé, qui doivent être au service de l’organisation des soins sur les territoires et au service des patients. Le CNOM juge que les prestations ouvertes par des sociétés intermédiaires à vocation commerciale ne sauraient s’affranchir du contrat social français en matière de protection sociale. »

 

En synthèse et pour action, le CNOM met en exergue dix points d’attention : 

 

  1. L’Ordre demande à la fois une simplification de la réglementation de la télémédecine dans les pratiques des médecins et l’instauration d’une régulation des autres offres numériques en santé dans le respect de principes éthiques et déontologiques dans le champ sanitaire.
  2. L’Ordre demande la mise en œuvre concrète et appliquée aux territoires de santé de moyens télé-médicaux, afin de répondre aux besoins des patients et aux attentes des médecins qui les prennent en charge.
  3. La télémédecine étant, comme l’écrit la loi, une forme de pratique médicale, un régime particulier de contractualisation avec l’ARS, lorsqu’elle est pratiquée par les médecins de premier et de second recours dans le cadre du parcours de soins ou de la prise en charge coordonnée du patient, n’est plus justifié.
  4. La révision de l’écriture du décret télémédecine devra être menée de façon conjointe et concomitante avec une proposition de l’Ordre sur la réécriture de l’article R.4127-53 du code de la santé relatif à la déontologie médicale afin que « téléconseil personnalisé » devienne une forme particulière de téléconsultation, lorsque cette activité est clairement intégrée et tracée dans la prise en charge ou le suivi du patient.
  5. Au même titre que les actes médicaux dont la prise en charge financière est garantie par l’Assurance maladie, les activités réalisées par télémédecine doivent être inscrites dans CCAM. Cependant, la seule rémunération à l’acte ne s’accorde pas toujours avec toutes les activités de télémédecine. Une part de forfaitisation, par exemple dans le suivi d’une pathologie au long cours ou d’un dispositif médical connecté, devrait être explorée dans le cadre des négociations entre les partenaires conventionnels. De même, il est nécessaire que les dotations financières aux établissements de santéintègrent l’activité télé médicale qui y est pratiquée.
  6. Une contractualisation obligatoire avec l’ARSdevrait être maintenue, dans le décret, pour les activitésde télémédecine qui seraient de nature expérimentale ou qui se placeraient hors parcours de soins et/ou qui seraient proposées par des assureurs complémentaires, ou autres prestataires privés de services.
  7. Lors de cette contractualisation avec l’ARS, tel qu’indiqué ci-dessus, levisa de l’avis ordinal sur les contrats signés devrait être mentionné au regard du respect des règles déontologiquestelles qu’établies dans le code de la santé publique
  8. Lorsque des sociétés intermédiaires interviennentcomme conciergeries numériques entre la demande d’une personne et le médecin qui y répond, l’Ordre doit viser les contrats passés entre le médecin et la société intermédiaire avant leur mise en œuvre, dans le respect de clauses déontologiques essentielles publiées par le CNOM.
  9. Les responsabilités encourues par ces sociétés tierces ayant une vocation commerciale devraient être exactement précisées au sujet, notamment, de la protection de l’usager vis-à-vis des pratiques commerciales et de leur qualité en matière de santé, en fonction du droit national et de l’état du droit européen.
  10. L’impact majeur que va avoir la « disruption numérique » par l’usage des applis, des objets connectés et des algorithmes sur le système de santé, l’organisation de soins et des prises en charge, l’exercice médical et la sécurité des patients impose l’accélération des travaux auxquels le CNOM participe avec les autorités sanitaires, régulatrices et de protection sociale en France et en Europe afin que la régulation du marché se réalise sur des bases éthiques consolidées.

 

Plus d'infos sur www.conseil-national.medecin.fr/node/1692