Attention : pacifier n’est pas sacrifier la justice

PAROLE D’AVOCAT
Par Florent Berdeaux-Gacogne (avocat en Droit de la famille)
au sujet de la réforme du divorce par consentement mutuel
(amendement discuté le 17 mai 2016 à l’Assemblée Nationale)



Partant de la volonté constante qu’a le législateur de simplifier et pacifier les relations entre les époux divorçant, et du constat de la complexité, de la durée et du coût des procédures, le gouvernement envisage d’exporter le divorce par consentement mutuel hors des tribunaux.


Celui-ci serait conclu par une convention, en présence d’un avocat par époux, laquelle serait enregistrée par un notaire. Le passage devant le juge serait supprimé.
> Cette réforme ne retire rien au travail de l’avocat, bien au contraire : la critiquer n’est pas un signe de corporatisme, mais de défense de la notion de justice.

> Cette proposition est fondée sur une erreur politique : vouloir régler le problème de l’engorgement des tribunaux en supprimant l’accès au juge, plutôt qu’en augmentant le budget de la Justice. On n’améliore pas la justice, on la supprime.

> Cette proposition est aussi fondée sur une grave méconnaissance de ce qu’est le divorce par consentement mutuel : un divorce demandé par les deux époux, lorsqu’ils sont parvenus à un accord formalisé dans une convention.

Ces divorces ne sont pas toujours « amiables » et l’on constate de nombreux contentieux dans l’année qui suit. Le troc « garde d’enfant contre divorce rapide » ou « forte pension contre liberté retrouvée » est fréquent. L’accord est donc aussi souvent arraché à prix fort, plutôt qu’intelligemment négocié, surtout lorsqu’il y a du patrimoine ou des enfants.
>Cette proposition est aussi fondée sur une confusion des genres: aujourd’hui, l’équilibre de la convention est vérifié par le juge, et non par l’avocat (contrairement à ce que prévoit l’amendement). Or, l’avocat, en dépit de sa volonté de trouver un accord acceptable, veille avant tout à l’intérêt de son client.

> Pacifier le divorce est souhaitable et possible : par le processus collaboratif auquel participent pleinement les avocats ; par la procédure participative, même dans les divorces difficiles. Mais priver le divorce du juge est une erreur car cela revient à priver l’époux le plus faible du rempart que constitue le contrôle du juge.

Florent Berdeaux est avocat au Barreau de Paris, spécialisé en droit de la famille, formé au processus collaboratif, membre de l’association des Avocats de la Famille et de l’Institut du Droit de la famille et du Patrimoine. Il est rédacteur à la revue Actualité Juridique Famille.