Le phénomène de dématérialisation

 

La dématérialisation, c’est l’acte de transformation de la matière en non-matière, du matériel en immatériel.
Schéma de représentation numérique du son

La dématérialisation, c’est l’acte de transformation de la matière en non-matière, du matériel en immatériel.

Par abus de langage, dans notre histoire moderne sur fond de nouvelles technologies, le terme de dématérialisation a été assimilé à celui de numérisation, c'est-à-dire de transformation en codification numérique binaire. Cette donnée informatique résultant de la dématérialisation peut, ensuite, être traitée par les ordinateurs, enregistrée sur disque et placée sur Internet.

Cette forme de dématérialisation d’éléments de l’espace physique vers l’espace virtuel est celle que nous allons étudier dans cet essai.

Dans cette première partie, nous ferons un tour d’horizon des différentes facettes du phénomène global de dématérialisation.

L’objectif n’est pas de dresser un historique précis ni un état de l’art détaillé des objets et des formes de numérisation, mais d’en faire ressortir les constantes, les invariants qui les unissent dans un même élan : la convergence.

Nous nous attacherons surtout à souligner les paradoxes qui émaillent la brève histoire de la dématérialisation des éléments de notre civilisation, comme autant de signes des caractères macroscopique et inexorable du phénomène.

• Le son, la musique
La mise en boîte du son est, somme toute, assez récente, y compris dans son mode analogique. Le phonographe de Thomas Edison ne date finalement que de 1877, alors que la musique est sans doute jouée depuis que l’homme piétine le sol terrien. Autant dire que l’on a mis longtemps à la capturer.

Mais, il y a une grande différence entre le son enregistré « à l’ancienne » (analogiquement) et le son numérisé. La numérisation du son, même si elle paraît naturelle aujourd’hui, n’était pas si évidente à imaginer. Il s’agissait de transformer un signal physique, une onde, en information, c’est-à-dire en données immatérielles.

Le compact disc, apparu en 1983, révolutionnera notre manière de stocker, consommer, échanger de la musique.

Ce support fut initialement présenté comme inaltérable et d’une qualité maximale au plan de la reproduction du son.

Nous savons aujourd’hui que ces deux arguments étaient faux. Le premier – l’inaltérabilité – n’a pas survécu à l’épreuve des faits. Les disques réinscriptibles, en particulier, ont une durée de vie moyenne inférieure à dix ans. Nous voilà bien loin des centaines d’années d’archivage promises !

Outre la fragilité induite par l’utilisation de substrats chimiques ou métalliques bon marché (la meilleure qualité étant obtenue avec des substrats en or) et leur problématique de coût, il apparaît que les CD, d’une manière générale, sont sensibles aussi bien aux conditions de stockage (humidité, lumière, chaleur... les altèrent) qu’aux manipulations inhérentes à leur utilisation (acidité des doigts, corps gras...).

Le CD, comme tout support numérique physique – DVD, blue-ray, disques... –, n’est donc pas un support inaltérable.
En revanche, sa recopie, effectuée dans des conditions techniques normales, permet d’obtenir une nouvelle copie en tous points conforme à l’original (en réalité inférieure ou égale, en fonction de la compression des données), ce qui n’était pas le cas des supports magnétiques ou vinyles.

C’est cette possibilité de clonage parfait qui apporte effectivement la pérennité du codage musical, moyen- nant une organisation en termes de sauvegarde et d’archivage.

La deuxième idée reçue sur les CD concerne leur prétendue qualité de reproduction. Certes, la comparaison avec un disque vinyle, qui grésille et qui masque une partie du spectre de la dynamique de l’onde sonore, plaide en faveur du CD. Mais, qu’en est-il par rapport à la réalité du son ?

Il n’y a qu’à se rendre à un concert live pour être convaincu de la lourde perte occasionnée par l’enregistrement numérique. La différence n’est pas audible : elle est de nature physique.

Cela tient au mode de reproduction du son numérique.

Le son est une onde, sa représentation peut donc être qualifiée par sa fréquence, sa longueur et son amplitude.

Schématiquement, le son peut être représenté par une sinusoïde, c’est-à-dire une courbe de ce type :
On constate aisément que la continuité de la perception du son est assurée par le caractère continu et lisse de la courbe de la sinusoïde.

Or, ceci constitue précisément la limite du numérique: le numérique n’est pas lisse, par nature. Le codage numérique, binaire, utilise une suite de bits : des 0 et des 1. Des trous et des bosses.

Plus le nombre de bits dans un temps réduit (un espace de stockage en fait) est important, plus la représentation du son numérique est proche de la courbe, tout en étant toujours approximative.
On peut représenter cette approximation de la manière suivante :
On voit ici que la représentation numérique du son est, par définition, une imitation.

Cette infidélité est réelle, bien que peu facile à percevoir à l’oreille. Elle est accentuée par la nécessité de diffusion sur des supports historiquement de faible capacité ou de faible débit (connexions Internet traditionnelles).

Le codage MP3, qui doit sa popularité à sa légèreté (chiffré en octets), comparé aux sons de type « wav » en 44 MHz, constitue, pour sa part, une amputation du son (on parle de « compression destructive »). Cette opération chirurgicale consiste notamment à dépouiller le spectre sonore réel de toutes les fréquences théoriquement inaudibles (en fait moins audibles) par l’oreille humaine et d’enlever les sons de faible volume masqués par les sons dominants. L’imitation est donc encore moins bonne que dans le cas de la numérisation sans compression...

Hervé Hastier     
                                                                              

Si cet extrait vous a intéressé,
vous pouvez en lire plus
en cliquant sur l'icone ci-dessous 

 L'avatar est l'avenir de l'Homme