Pourquoi lire... et pour quoi ?

 

Avouez que la question s’impose, si vous souhaitez en passer par les livres pour éclairer votre vie ! Il ne vous aura pas échappé que la formulation ainsi posée est double : d’une part la raison pour laquelle vous lisez ou vous avez envie de revenir à la lecture (pourquoi ?) ; d’autre part la ou les raison(s) pour lesquelles vous vous engagez dans cette démarche (pour... quoi ?). Explorons quelques trouvailles d’autres auteurs et chercheurs.

Nous allons parler des livres et du bonheur ou des remises en question qu’ils peuvent susciter en nous pour le meilleur, même quand une phase de déstabilisation peut se glisser entre deux chapitres ou deux para- graphes. Puisque nous allons nous attarder sur notre rapport aux livres et aux auteurs, je vous fais d’emblée une confidence : j’ai un faible pour notre prix Nobel et bien avant qu’il ne le reçoive, je veux parler de Patrick Modiano. J’aime qu’il se soit exprimé par la chanson, par le cinéma et la littérature, évidemment. Je conserve précieusement le texte du discours qu’il a prononcé devant la prestigieuse Académie en 2014 :
« Oui, le lecteur en sait plus long sur un livre que son auteur lui-même (...) Mais pour qu’il existe un tel accord entre l’auteur et son lecteur, il est nécessaire que le romancier ne force jamais son lecteur – au sens où l’on dit d’un chanteur qu’il force sa voix – mais l’entraîne imperceptiblement et lui laisse une marge suffisante pour que le livre l’imprègne peu à peu, et cela par un art qui ressemble à l’acupuncture où il suffit de piquer l’aiguille à un endroit très précis et le flux se propage dans le système nerveux. »

Se laisser toucher, se laisser émouvoir
Ainsi, vous aimez lire pour que ce texte – que vous avez choisi ou qui vous a été recommandé par un ami, un confrère, un critique littéraire au détour de sa chronique, un animateur pendant une émission... –, pour que ce texte-là et aucun autre, à ce moment précis, vous entraîne « imperceptiblement ». Entendons-nous bien. Je n’ai pas résisté à l’envie d’évoquer très tôt Modiano, sans doute parce que sa quête incessante du paradis perdu de l’enfance résonne en moi. Vous voyez déjà un effet de la lecture sur notre connaissance de nous-mêmes. Et si je vous pose ici tout net ce lien pour moi entre le grand auteur et ma compréhension de ma propre personne, ce n’est certes pas par nombrilisme, mais pour que vous saisissiez comment la lecture peut nous aider à nous comprendre. Or, si nous nous comprenons, il y a fort à parier que nous réussirons à mieux appréhender non seulement le monde qui nous entoure, mais aussi notre petit monde à nous, nos proches, les femmes et les hommes qui gravitent dans notre environnement professionnel, notre vie associative, nos loisirs...

Justement, au registre de la vie du collectif quand il se frotte aux vibrations de notre vie singulière, consacrons quelques lignes au rôle psychosocial de la lecture. Ainsi, une femme m’a-t-elle contactée, pour intégrer le Bibliocoaching dans ses missions de consultante en prévention et gestion du stress pour les salariés en entreprise, de médiatrice pénale et civile, et d’animatrice d’atelier ?

ers d’écriture. Elle voyait dans cette discipline un outil complémentaire. Je pense aussi à Michèle Petit, anthropologue au LADYSS9, qui a coordonné une recherche sur le rôle des bibliothèques dans la lutte contre les processus d’exclusion et publié Éloge de la lecture. La construction de soi10.

UNE QUESTION DE LECTEUR
Mais comment avez-vous fait pour établir un lien entre cette notion d’un paradis perdu de l’enfance et un auteur, Modiano en l’occurrence ?

Justement par un habile travail entre lecture et développement personnel, entre lecture et coaching. Ce que vous réussirez également à mettre en place en passant de cette étape 1, comprendre pourquoi vous lisez et comment, à l’étape 2, savoir choisir l’ouvrage qui vous attend quelque part en terminant par l’étape 3 qui vous montrera comment faire équipe avec les pages qui s’offrent à vous.

Pourquoi lire ?
Un ouvrage de Charles Dantzig porte justement ce titre11. Penchons-nous sur la thèse qu’il défend avec humour, avec second degré également quand on sait que l’on doit aussi à cet auteur prolifique un Dictionnaire égoïste de la littérature française. L’écrivain et animateur, que l’on peut écouter sur France Culture, dans l’émission « Secret professionnel », soutient que la lecture est « un acte absolument gratuit dans un monde vérolé par l’utilitarisme », que la lecture ne sert à rien. Aïe ! Nous qui, au contraire, allons faire de la lecture un usage pratico-pratique... Heureusement, plus loin dans son traité, il démontre avec brio que lire est tout, sauf un acte passif, que « Lire, c’est beaucoup plus intéressant que de se distraire » et notamment, que lire permet de déchiffrer le grand livre de la vie. Ouf ! Nous voilà réconciliés.

Tandis que je commençais l’écriture de cet ouvrage, j’ai lu la présentation que les organisateurs ont rédigée pour la 30e édition de la Fête du livre de Bron, en Rhône-Alpes. Je vous la soumets tant elle va dans le sens de notre propos. Le thème retenu est : « Que peut la littérature ? » et l’on peut lire : « Trente ans que la Fête du Livre de Bron observe et accompagne la littérature contemporaine française et internationale avec la conviction de sa nécessité. Nécessité de dire le monde, de témoigner, d’inventer, de traduire le réel, d’explorer le passé, le présent ou l’avenir en cherchant un autre langage et un regard différent sur des réalités complexes, secrètes, oubliées, parfois même “indicibles”... Qu’elle soit historique, sociale, engagée, réa- liste, merveilleuse, transgressive, effrayante, jubilatoire, introspective, psychologique, voyageuse, casanière, intimiste ou universelle (ou tout cela à la fois), la littérature est le lieu de tous les possibles. Elle pose des questions (beaucoup), apporte des réponses (parfois), écrit la vie autant qu’elle la construit. Elle est aussi un endroit de partage, des expériences et du sensible... »



UNE AUTRE QUESTION DE LECTEUR
Modiano, Dantzig... n’y a-t-il de salut que parmi les grands intellectuels, les sommités reconnues, appartenant à ce que l’on appelle « la grande littérature » ? Est-ce que j’ai une chance, moi, de m’en sortir en lisant si je préfère Katherine Pancol, Tatiana de Rosnay, Marc Lévy ou Guillaume Musso ?
Ma réponse est sans hésitation aucune : OUI. Ce qui nous intéresse ici dans l’usage de la lecture, c’est l’accès à des textes qui vous parlent, sans que vous n’ayez à atteindre le niveau littéraire d’un agrégé ou d’un professeur de grec ancien.

L’enjeu, dans notre démarche d’accompagnement par les livres, est de vous permettre de trouver des réponses à vos questions. Si vous êtes à l’aise dans ce qu’il est convenu d’appeler « les grands textes », piochez dans ce terrain fertile. Si vous aimez les auteurs dits plus accessibles, sentez-vous à l’aise.

Je vous donne un exemple : j’ai craqué pour la couverture du roman de Gilles Legardinier Complètement cramé12. Un chat ébouriffé dans une casserole en cuivre digne de la cuisine d’un chef étoilé. Je plonge dans le roman, je passe un excellent moment, je découvre l’auteur et je relève quelques phrases, notamment quand le héros Andrew Blake donne un conseil à un jeune garçon de 14 ans, illettré, sur le point de faire des bêtises : « Et laisse-moi te confier un secret qui peut te faire gagner beaucoup de temps : les rêves te font avancer et grandissent avec toi. Ils t’élèvent. Par contre, tu dois perdre tes illusions au plus vite. Les illusions t’empêchent de voir la vie telle qu’elle est et conduisent immanquablement à l’échec. »

Il se trouve que j’ai recommandé à quelques personnes la lecture de ce roman par ailleurs drôle et qui nous fait passer un bon moment. Et, pour plusieurs d’entre elles, cette phrase a été le déclencheur d’une prise de conscience. Que devaient-elles lâcher de leurs illusions pour vivre leurs rêves, ou même déjà un de leurs rêves ? Pensez-y à votre tour.

Pour finir de dire mon admiration aussi bien des grands noms qui ont contribué à la légende littéraire, qu’à l’endroit des écrivains dits « populaires » qui font encore se déplacer des lecteurs gourmands dans les salons du livre, je citerai Anna Gavalda quand elle confiait dans le supplément Aujourd’hui en France, le 20 septembre 2013 : « Plus un livre est facile à lire, plus il est difficile à écrire. » 

Emilie Devienne


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