Expo / Chamanes et divinités de l'équateur précolombien

 

16/02 15/05/2016 * Mezzanine Est

 

Inédite en Europe de par son ampleur, cette exposition propose une immersion dans le monde des esprits de l’Equateur précolombien à travers l’une de ses figures majeures : le chamane. Issus des collections de plusieurs musées du Ministère de la Culture et du Patrimoine d’Equateur, et pour la plupart exposés pour la première fois en France, 265 chefs-d’œuvre permettent de découvrir les habitudes, valeurs et savoirs du chamanisme qui font aujourd’hui partie d’un legs millénaire, transmis aux peuples de l’actuel Équateur.

Les œuvres proviennent majoritairement des quatre cultures de la côte équatorienne : Chorrera, Bahia, Jama-Coaque et Tolita, mais également de la culture Mayo Chinchipe-Marañón de haute Amazonie. C’est sur les sites de cette dernière, vieille de 5000 ans, qu’ont été récemment découvertes les traces les plus anciennes attestant du chamanisme. Cette exposition met ainsi en lumière les récentes recherches et fouilles archéologiques menées par des archéologues et anthropologues équatoriens, dont Santiago Ontaneda-Luciano, commissaire de l’exposition et Francisco Valdez, conseiller scientifique.

Passeur de tradition, le chamane présidait rites, cérémonies ou fêtes, assurant ainsi l’ordre spirituel et social d’une communauté. Personne aux pouvoirs surnaturels, exerçant parfois des fonctions politiques, le chamane consolidait l’ordre à travers une multitude de rites et de cérémonies ponctuant le calendrier annuel. Le chamanisme reste ainsi indissociable de l’histoire des civilisations de l’Équateur préhispanique. Reflet de la pensée et de la philosophie des peuples ancestraux, ce système de croyances a présidé à la construction de leur monde social, économique et politique.

Rituels de guérison, de fertilité ou d’initiation, tous avaient pour but de rétablir la connexion entre les différents niveaux de l’espace cosmique : le monde extérieur ou céleste (les astres), le monde intérieur ou inframonde (peuplé dancêtres défunts et d’esprits) et, au milieu, la Terre-mère ou Pachamama, le monde terrestre des êtres humains et des animaux. Une mission de médiateur social en somme, qui est attribuée au chamane dès l’enfance, entre le commun du peuple et les divinités, puissants animaux ou êtres mythiques.

Après avoir percé les secrets des représentations du monde des peuples ancestraux de l’Equateur, l’exposition dresse un portrait de la figure emblématique du chamane, détenteur d’un savoir sacré. Le culte chamanique prend forme à travers une multitude de cérémonies rituelles, au cours desquelles le chamane exerce ses pouvoirs surnaturels.

 

LE CONTEXTE GÉOGRAPHIQUE ET HISTORIQUE
Situé à l’extrémité occidentale de l’Amérique du Sud, l’Equateur est bordé au nord par la Colombie, au sud et à l’est par le Pérou, et à l’ouest par l’océan Pacifique.

L’espace qu’ont occupé les sociétés présentées dans cette exposition est éloigné de l’influence directe du courant froid d’Humboldt venu du sud, et traversé par de petites cordillères qui créent un climat tropical pluvieux. Il s’agit ainsi d’une des zones les plus favorables à l’agriculture, où l’on cultivait essentiellement le maïs, mais aussi la yuca (manioc). En effet, à mesure qu’on avance vers le nord, la région connaît une plus grande pluviosité, ce qui a déterminé l’existence de la forêt, où la terre est fertile et se prête à toutes sortes de cultures tropicales.

Le chamanisme a été pratiqué pendant toute la vie préhispanique, mais il a acquis son expression maximale au cours de l’époque dite des développements régionaux, soit la période comprise entre 500 av. J.-C. et 500 apr. J.-C., notamment sur la côte centre-nord de l’Équateur (provinces actuelles de Manabí et Esmeraldas), avec les cultures de Bahía, Jama Coaque et La Tolita, qui sont elles-mêmes le produit du développement originel de la culture Chorrera (1000 av. J.-C.) de la période formative tardive, une phase où une multitude de facteurs nouveaux ont conduit à un nouveau processus.


LES CIVILISATIONS DE L’ÉQUATEUR PRÉCOLOMBIEN


IMMERSION ET REPRÉSENTATION (500 AVANT J.C
500 APRES J.C)
Dans la culture des peuples ancestraux de l’Equateur précolombien, l’espace cosmique est divisé en trois mondes bien distincts. Le monde extérieur ou céleste, composé des astres. L’inframonde ou le monde intérieur, peuplé de défunts, d’esprits des montagnes, grottes et cascades représentés par des êtres mythiques. Enfin, au milieu de ces deux mondes, le monde terrestre, celui des êtres humains et des animaux.

La nature comme source de vie
Cette vision du monde est inextricablement liée à la nature, qui occupe une place primordiale dans les croyances des peuples ancestraux. Traitée avec respect et honneur, la Terre est considérée comme une mère, dite Pachamama (en langue quichua) une mère nourricière, qui offre aux hommes tous les éléments nécessaires à leur survie.

L’homme comme gardien de la Terre
Pour que les dieux envoient pluie, fertilité et autres bénédictions, les êtres humains vouent un culte aux montagnes, aux volcans ou aux collines, les priant d’intercéder auprès des dieux en faveur de leur requête. Gardien de la Terre, l’être humain se doit de prendre soin de ses composantes telles que l’eau, les plantes et les animaux, tous dotés d’un esprit pour atteindre un équilibre harmonieux.

Les divinités et leur métamorphose
Le monde des peuples ancestraux est façonné par des représentations symboliques des éléments naturels : l’aigle harpie est associé à l’air, le jaguar au feu et le serpent à l’eau. Ces grandes divinités sont incarnées à travers des statuettes en terre cuite, dans lesquelles elles prennent la forme d’autres êtres. L’homme-jaguar, les monstres ou les dragons... Toutes ces créatures mythiques sont la combinaison de différentes espèces animales symbolisant les trois mondes du cosmos, le monde céleste, l’inframonde et le monde terrestre.

Les lieux privilégiés des cultes
Le culte chamanique s’exerce dans des espaces naturels, des sites monumentaux et des maisons temples, qui offrent une connexion symbolique entre le ciel, la terre et l’inframonde.
Les
tolas - monticules artificiels constituent un lieu idéal pour l’exercice du culte. Surmontés de temples, ils représentent un point intermédiaire entre les différents mondes. Situés dans les villages, les maisons-temples sont les points centraux de l’ordre cosmique. On y adresse des louanges aux ancêtres pour obtenir, entre autres, de bonnes récoltes.

L’art de la parure : les ornements comme emblèmes
Symbole de son rang et de son autorité sociale, de nombreux ornements habillent le chamane au cours des cérémonies rituelles : pectoraux, colliers, bracelets, ornements d’oreille, clous faciaux, chapelets de perles, ceintures et pendentif...
Sur leurs ponchos apparaissent par exemple de petits coquillages, qui, en se heurtant entre eux à la manière des grelots, produisent un son rappelant celui de la pluie. Ces petits coquillages sont ainsi portés lors des rituels des semailles, au cours desquels les chamanes invoquent la pluie auprès des dieux.
Sur leurs coiffes apparaissent de grandes conques marines, considérées comme des filles de l’eau ; symboles d’abondance pour attirer les pluies, elles sont le signe d’un symbolisme associé à la mer. C’est là que réside leur pouvoir magique pour entrer en contact avec les dieux de la pluie, qui sont les maîtres des plantes alimentaires.
Les ornements en or se distinguent tout particulièrement car ils expriment la force vitale du cosmos, et plus particulièrement du soleil.

 

 AUTOUR DES CÉRÉMONIES RITUELLES

Au cours des cérémonies, le chamane a recours à plusieurs éléments extérieurs et objets pour exercer son pouvoir sacré et entrer en contact avec le monde des esprits.

« La table du chamane »
Constituée de plantes, de coquillages, de feuilles de tabac et bien d’autres objets, la « table » rassemble tout l’attirail du chamane indispensable à l’exercice de son pouvoir sacré. Ce dernier fait également usage de pierres de tailles et formes diverses, lesquelles servaient à absorber les maux. Certaines pierres épousent une forme de hache, d’autres représentent des collines, lacs, ou cascades, ou encore renvoient au masculin et au féminin. Des instruments de diagnostic tels que des feuilles de coca, des grains de maïs, ou des miroirs d’obsidienne – sont utilisés pour déterminer la cause des maladies, ou le sort des personnes.

 

La musique, une voie de communication pour entrer dans le monde des esprits
Employée au cours des cérémonies de fête pour renforcer la cohésion des participants, la musique est un moyen pour entrer en transe et un véhicule de transmission de la tradition orale. La danse joue aussi un rôle bien particulier : elle permet de répartir dans l’espace les participants – tous vêtus de costumes ornés de peaux d’animaux ou de plumes d’oiseaux.

 

LE CHAMANE COMME DÉITE TEMPORELLE

Au cours de l’exercice de son pouvoir sacré, le chamane est investi des pouvoirs attribués aux animaux sacrés. Il se transforme en l’un de ces animaux puissants, comme le serpent, symbole de la vie et de la nature. Il peut aussi se transfigurer en un être mythique, symbolisant l’un des différents mondes du cosmos.

Le chamane se change ainsi en médiateur social entre le commun du peuple et les puissants animaux, des êtres mythiques de qui il reçoit sa force spirituelle. En se changeant temporairement en déité ou en être fantastique qui domine le monde, le chamane impose une idéologie fondée sur le système de valeurs andines, selon lequel les dieux ne sont pas externes, atemporels et étrangers à la nature, mais partie prenante d’une totalité qui inclut l’être humain et la société.

 

LES RITUELS CHAMANIQUES

Chamane guérisseur, chamane astronome, chamane agriculteur... les figures du chamane sont tout aussi nombreuses que les rituels qu’il conduit au cours du calendrier annuel : rites liés à la nature, aux dieux, aux animaux sacrés, aux collines et à l’initiation, toutes ces célébrations ponctuent le calendrier annuel des peuples ancestraux précolombiens.


LES RITES SACRÉS

Les rites d’initiation

Liés aux différents stades de la vie, les rites d’initiation comprennent les rituels de la naissance, de la puberté, de l’initiation des chamanes et de l’investiture des guerriers. Ceux-ci ont toujours trois phases : séparation, situation liminaire et réincorporation.
La séparation
consiste en l’isolement physique ou symbolique de l’individu qui, contaminé par sa situation antérieure, se prépare pour sa nouvelle réalité.

La situation liminaire est celle dans laquelle l’individu se trouve entre deux mondes, entre deux étapes, sans appartenir à aucune d’elles : surviennent alors sa mort et sa renaissance symboliques.
La réincorporation intervient lorsque l’individu a acquis son nouveau statut et qu’il se réintègre à la société comme un membre nouveau. La phase d’isolement apparaît sur les figures appelées « enclos », qui représentent une structure ou enceinte cérémonielle qui doit isoler l’individu dans cet espace rituel essentiel.

Les rites sacrificiels
Les sacrifices consistent à offrir aux déités le sang de certains animaux et celui des prisonniers de guerre. C’est un sacrifice de mort pour que soit octroyée la vie. On offre un trésor liquide en échange d’un autre trésor vital : l’eau, indispensable à la fertilité des champs. Le principal sacrifice pour satisfaire les dieux est celui du sang humain, plus que celui des animaux.

Rituels pour capturer le temps : le chamane astronome
La maîtrise des cycles du ciel implique la maîtrise des cycles de la terre, tout particulièrement des cycles agricoles. Des pronostics et calendriers sont établis à partir de l’observation des phénomènes célestes cycliques et prévisibles. Le cosmos a quatre portes, qui sont les deux solstices et les deux équinoxes. Les sociétés antiques conçurent le motif de la « croix carrée » ou chacana, symbole de la quadripartition en solstices et équinoxes.

Rituels propiatoires : le chamane chasseur
La chasse est considérée comme une activité productive et de grand prestige : dangereuse et risquée, elle demande aussi de l’adresse et une bonne connaissance des habitudes de la proie. Par la voix des esprits, le chamane est informé de l’endroit où se trouvent les proies désirées. En faisant part de ce que leur ont dit les ancêtres, les chamanes influencent ainsi sur la conduite quotidienne et dirigent le contenu et l’expression cérémonielle de la mythologie commune.

Rituels de guérison : le chamane guérisseur
Les cérémonies de guérison visent à rétablir l’équilibre perdu. Les éléments constitutifs de l’être humain (physique, mental, émotionnel, spirituel) sont en effet envisagés de manière globale. Les chamanes connaissent le secret des plantes psychotropes, telles que le tabac ou l’ayahuasca qui a le pouvoir de guérir, d’équilibrer et de purifier

Les rites funèbres
La mort revêt une grande importance et suppose un retour au ventre de la terre mère, pour ensuite renaître. Il existe différentes pratiques mortuaires, en accord avec la position de l’individu au cours de sa vie. Le traitement des corps est donc différent selon les personnes : certains sont enterrés, dans des tombes simples ou fastueuses, mais la plupart sont emballés dans des fardos.

 

INFORMATIONS PRATIQUES

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