Tomber amoureux...

 


« Tomber amoureux », l’expression ne semble pas juste car « tomber » évoque un mouvement vers le bas, une chute aboutissant à une situation fâcheuse – blessure, maladie, péché, mort –, alors que devenir amoureux c’est, comme nous le verrons, s’élancer, prendre son envol et accéder à un état supérieur de vie et de bonheur.

En vérité l’expression fait référence à la soudaineté de l’événement et à son imprévisibilité. Sans doute aussi évoque- t-elle la flèche de Cupidon quand elle nous frappe et nous abat. Sans doute enfin annonce-t-elle, réaliste voire cynique, les risques, hélas, inhérents à l’amour : être pris comme dans un piège, être épris, être possédé, être drogué, n’être plus soi-même, comme le suggèrent d’autres locutions : être fou d’amour, « s’enticher », « s’assoter », se « toquer ».

Pourquoi êtes-vous tombé amoureux ?
Si je vous demandais pourquoi vous êtes tombé amoureux de votre compagne – compagnon –, la plupart d’entre vous évoqueraient ses traits physiques, c’est-à-dire ses attraits (son visage, ses yeux, peut-être ses formes, sans doute son élégance), des traits de son caractère (sa tendresse, son humour, son dynamisme, etc.), et sans doute aussi des affi- nités (des goûts communs, des pensées semblables, des rêves identiques).

Quelques-uns d’entre vous oseraient dire : « Parce que j’avais envie d’elle, de lui. » Il est vrai que le désir est partie prenante du « tomber amoureux », c’est son degré de participation qui est variable. Selon les êtres, cela peut varier de 100 % (les passions sexuelles) à 1 % (les amours platoniques). Cependant, la participation sexuelle ne peut inférer de la durée du couple, les passions sexuelles pouvant n’être que des flambées ou se transformer en grand amour durable ; inversement les amours intellectuelles peuvent se tarir assez vite ou se prolonger en s’érotisant. Longtemps a prédominé le courant du « tout-sexuel » qui, à l’instar de Freud, prétendait que l’amour n’est que la forme que prend la pulsion chez l’humain. Toutefois Jung, déjà, avait souligné le côté divin de la sexualité. Mais il a fallu attendre Erich Fromm pour qu’un penseur ose démarquer l’amour du désir ; pour lui l’amour est une réalité en soi, une réalité qui transcende les êtres ; mieux : c’est au contraire le désir qui procède de l’amour.

Toujours en réponse à ma question, certains déclareraient : « Parce que c’était elle, parce que c’était lui », paraphrasant ce que Montaigne avait dit de son amitié avec La Boétie, ce qui revient à évoquer l’œuvre du « Destin », que d’autres n’hésiteraient pas à désigner carrément : « C’était écrit, diraient-ils, nous étions prédestinés l’un à l’autre. » Il est vrai que dans certaines rencontres, on a une impression de retrouvailles : « On s’est reconnus » disent les amants.

D’où le concept d’« âmes sœurs » : il y a sur cette terre un être qui nous correspond tout à fait, voire nous ressemble totalement, c’est pourquoi nous le reconnaissons. Pour ceux qui croient à la réincarnation, les amants, dans ce cas, se seraient connus dans une vie antérieure. En ce qui me concerne je suis persuadé que dans les grandes amours, ce sont les âmes qui avant tout se rencontrent.

Toutefois, tout en croyant que l’amour recèle une part de mystère et de transcendance, je sais aussi que l’amourachement relève de causes bien réelles et analysables, à savoir l’impact des odeurs et les interventions de notre inconscient tels le phénomène d’« empreinte » et les manipulations de notre psychisme.

 

Dr Gérard Leleu

 


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