Vie privée, vie sociale, le piège de l'emprise émotionnelle...


Nous entendons fréquemment autour de nous parler de maltraitance, de violence psychologique et physique. L’emprise émotionnelle, l’un des pièges les plus nocifs, peut survenir dans toute relation humaine, dans la vie de tout un chacun. Aucun domaine de la vie n’est épargné, qu’il s’agisse de la sphère privée ou de la vie sociale. L’emprise ne concerne pas que les adeptes des sectes comme l’on croyait souvent. En famille, ce sont tout autant les enfants que les partenaires en amour, la fratrie et les personnes âgées qui sont concernés. Il peut aussi s’agir de l’emprise religieuse, en thérapie et en médecine ou à l’armée, comme dans toutes les institutions. Sans oublier les groupes de pression économiques, financiers, politiques, ni la domination d’une poignée d’hommes ou de femmes sur les autres détenu(e)s dans le monde carcéral, ni l’emprise du sexisme et de la pornographie qui débordent largement le territoire de l’intime, ni celle de toutes les formes d’addiction, de l’alcool (drogue dure) aux produits illicites, en passant par les jeux et les réseaux sociaux, etc. Le phénomène de l’emprise émotionnelle ne se trouve pas seulement dans les formes « simples » de manipulation intentionnelle que l’on observe dans les luttes de pouvoir : je ne connais malheureusement aucun type de relation exempt d’emprise, sans négliger celle de notre prédateur intérieur qui nous maltraite trop souvent. Comme le disait Oscar Wilde, « chaque homme est son propre démon et fait de son monde son enfer ».

L’emprise mentale est une prison dans laquelle les victimes sont fascinées par les sortilèges d’une illusion où elles vont se perdre. Car elles vont découvrir, un jour ou l’autre, ce qu’est la violence psychique, une prise de pouvoir sur les facultés mentales alors dominées par une personne, un groupe ou une idéologie. Cette prédation implique le contrôle de l’un et la résignation de l’autre, son corollaire, cet autre étant réduit à un état d’objet sous le joug d’un tyran autoritaire : il n’est plus qu’une marionnette entre ses mains. Le libre arbitre et l’esprit critique des proies des prédateurs sont anéantis, mais aussi leur intégrité psychique et, à l’instar de l’esclavage, leur dignité. Et quand la mort psychique n’est plus la solution, la mort physique représente une véritable délivrance. Car les victimes peuvent aussi, parfois, devenir dépressives. Or l’on sait que la dépression ôte tout espoir et tout sens à la vie. L’on se sent seul, impuissant, désespéré.

L’emprise est mise en place de façon généralement inconsciente, pour se sentir exister, en se nourrissant, comme un vampire, de ce que l’on prend à l’autre, aux autres. Quant aux prédateurs, ils sont divers : des manipulateurs « ordinaires » aux psychopathes, les nuances sont très importantes. Leur description aide à les reconnaître, à les différencier car leur toxicité est variable selon leur type de personnalité. Leurs modes opératoires sont principalement la séduction et la disqualification, manœuvres insidieuses (comme dans les débuts d’une relation) ou directes chez ceux qui pratiquent très vite une brutale coercition (beaucoup plus rarement). Tout va dépendre de leur personnalité, du contexte et des proies sur lesquelles ils vont jeter leur dévolu. Quant à leur communication (verbale et non verbale), elle est pervertie, déviante. C’est ainsi qu’ils parviennent à leurs fins, « l’air de rien ». C’est pourquoi il est si difficile d’ouvrir les yeux sur la réalité de leurs nuisances. Il est alors souvent trop tard : le mal est fait, un mal en profondeur que l’on ne comprend pas, mais un mal dont la guérison prendra du temps car les maladies de l’âme restent gravées au plus profond de soi.

Les victimes, quant à elles, subissent des maltraitances morales (et parfois physiques) quasi constantes et des menaces qui les détruisent à petit feu. La dépendance est des deux côtés, l’un ne pouvant se passer de sa proie, celle-ci ne pouvant fuir, trop chamboulée et surtout terrorisée à l’idée d’une rupture (quel qu’en soit le type), du dévoilement de son vécu et, pour certaines, la crainte de possibles représailles. Les victimes d’emprise souffrent d’un traumatisme sévère : elles ont été psychologiquement aliénées.

Fort heureusement, il est possible de se protéger de ces relations toxiques en acceptant d’en reconnaître les premiers signes. Et d’en sortir grâce à la prise de conscience et au courage qui donne la force d’appeler à l’aide. Ce sont avant tout les émotions douloureuses qui motivent en profondeur ce désir de libération qui mènera, grâce à la thérapie, à une meilleure connaissance de soi, à la compréhension de ce qui est à la source de l’épreuve vécue et à la reconstruction. Car, « pourquoi contraindre vos vies et vos rêves aux idées d’un autre ? Pensée figée, glaciale. Reine rigide. Marbre de l’esprit. Lobotomisation d’un futur déjà écrit. Impossible ascension vers un demain qui n’existe pas, Et n’existera jamais ! Fin des rêves, fin des espoirs, fin des désirs, fins décidées par les autres1 ». Il est possible de se retrouver soi-même dès lors que l’on dirige ses doutes et ses accusations sur le prédateur et non plus sur soi.

Il n’existe aucune raison pour accepter de vivre en jachère, chaque être humain est seul juge de ses priorités et du sens qu’il veut donner à sa vie. Henry David Thoreau, philosophe et poète, disait : « Ce qu’un homme pense de lui détermine, ou plutôt oriente son destin. » Notre vie nous appartient, ne donnons à personne un droit de regard sur nos pensées, la possibilité de nous dominer et de nous contrôler par la force, de nous voler notre existence...

 

Sylvie Tenenbaum


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Se libérer de l'emprise émotionnelle