Lettre ouverte à ceux qui vont prendre le volant ce weekend

Vous serez des millions, ce week-end, à prendre votre voiture pour le retour des vacances annuelles. Je voudrais ne pas avoir peur pour vous.

Vous êtes sans doute de ceux qui n'ont jamais eu d'accidents, de ceux qui pensent que cela n'arrive qu'aux autres, aux conducteurs qui n'ont pas votre expérience ou votre maîtrise du volant. Laissez-moi vous dire simplement : mon cabinet d'avocat est plein de gens comme vous, de gens qui n'y croyaient pas et qui ont vu, en une seconde, leurs certitudes s'effondrer et leur vie ravagée.

Les chiffres sont têtus. En France, la route fait chaque jour près de dix morts. Et chaque jour, plus de 95 personnes perdent définitivement l'usage d'un bras, d'une jambe, restent cloués à vie sur un fauteuil roulant ou un lit médicalisé ou voient partiellement amputées leurs capacités intellectuelles et mentales. C'est un bilan terrible, bien plus lourd que celui des attentats les plus meurtriers. Mais, hélas, sans le même retentissement médiatique.

Vous êtes peut-être de ceux qui écoutent les conseils de prudence d'une oreille distraite ou blasée. Vous pensez que leur litanie répétitive ne vous concerne pas. Vous êtes sûr qu'on en rajoute, qu'un verre de plus, un joint en passant, un coup d'accélérateur ou un arrêt de moins pour arriver plus vite, ne changeront rien. Laissez-moi simplement être la voix de mes clients amputés, traumatisés crâniens, paraplégiques, tétraplégiques. Tous, sans exception, se sont fracassés contre de telles certitudes. Tous ont vu leur vie brisée par des conducteurs qui se croyaient plus habiles, plus lucides, plus résistants.

Vous êtes peut-être de ceux qui se croient piégés par les contrôles de police, rançonnés par les radars automatiques et les contraventions. Vous croyez peut-être les associations irresponsables qui répètent que la vitesse n'est pas un crime, que les airbags sauvent plus de vie que les radars. Laissez-moi seulement vous dire ce que j'ai vu en vingt années de travail auprès des victimes de la route.

Airbag ou pas, le corps humain a ses limites. La décélération brutale d'un choc a sur lui des effets dévastateurs et la vitesse excessive condamne sans appel les piétons, cyclistes, motocyclistes que vous pouvez croiser sur votre chemin. Les radars, les contrôles ont sauvé des milliers de vies et continuent d'en sauver.

Sur le bord des routes de vos vacances, policiers et gendarmes ne sont là que pour prévenir et sanctionner une délinquance plus dangereuse que toutes les autres. Les panneaux, les conseils de prudence, le code de la route sont là pour vous sauver. De l'inconscience des autres ou de vous-même. J'espère vous en avoir convaincu au nom de tous ceux dont la violence routière a dévasté l'existence. Je cesserai alors d'avoir peur pour vous. Vous serez des millions, ce week-end d'août, à prendre votre voiture pour le grand chassé-croisé des vacances. Je voudrais ne pas avoir peur pour vous.


MAITRE JEHANNE COLLARD, LE COMBAT D'UN AVOCAT POUR LES VICTIMES
Maitre Jehanne Collard s'est consacrée à la défense exclusive des victimes parce que elle a connu la détresse, le désarroi de cette situation. Il y a trente ans, une de ses filles naissait handicapée à vie par la faute d'un médecin. Il y a quinze ans, elle était gravement blessée dans un accident de voiture. Depuis, elle tente de se battre contre l'irresponsabilité et le malheur. Contre l'indifférence de certains magistrats. Contre l'exploitation des victimes par des assureurs plus pressés d'encaisser des primes que d'indemniser.

Elle a rassemblé autour d'elle quelques collaborateurs et associés partageant la même révolte et le même goût de l'indépendance. Et surtout la même attention à la souffrance des victimes. Avec eux elle mène ce combat devant les tribunaux, sur les ondes des radios et des télévisions, dans des livres, dans les sessions de formation des magistrats, aux cotés des associations de victimes.

Le combat de Jehanne Collard a été honoré de l'insigne de l'Ordre National du Mérite, remis par le Premier Ministre le 22 janvier 2004 et des insignes de Chevalier dans l'Ordre National de la Légion d'Honneur en Juin 2007. Jusqu'à sa dissolution, Jehanne Collard était vice-présidente de la fondation Anne CELLIER fondée en 1987 pour lutter contre l'insécurité routière.

Jehanne Collard a également écrit de nombreux ouvrages qui contribuent à faire évoluer les mentalités et à faire avancer la justice.