Expo Elizaveta Konovalova / La Fin de l'Asphalte

 La Fin de l’Asphalte rassemble les derniers travaux d’Elizaveta Konovalova, principalement photographiques et vidéos, autour des « textures signifiantes » des choses. L’objet complet, sa forme indemne, suscite rarement l’intérêt de l’artiste. L’objectif de son appareil se penche sur un fragment de mur, de sol, de peau… et fixe un état particulier de la surface, sa texture, son relief, son grain, mais aussi sa couleur, le rythme visuel crée par les rugosités, les creux ou les taches. Il ne s’agit pas de documenter la matérialité propre à tel ou tel objet, mais plutôt de mettre en évidence une texture ajoutée, une couche signifiante liée à une altération, un endommagement. Tantôt les traces de touchers délicats s’impriment en douceur, comme des dépôts de poussière ou de suie. Tantôt ces surfaces sont scarifiées d’actions plus violentes : chocs, entailles, brulures, trous… Enfin nous sommes en présence des traces d’une catastrophe, que donne à voir la défragmentation absolue de l’objet. Ces marques, matérielles, sont les témoins d’un événement : celui de l’impact, qui a perturbé la quiétude de l’objet. Cet impact distingue l’objet de ces semblables, comme une cicatrice qui individualise un corps.

© Galerie Maubert / Elizaveta Konovalova


Elizaveta Konovalova est diplomée de l'Ecole Nationale Supérieure des Beaux Arts de Paris et de la Cooper Union School of Art de New York. Elle est lauréate du Grand Prix Talents Contemporains de la Fondation Schneider (2015), du Prix Sciences Po pour l'Art Contemporain (2014), des Prix Boesner et Coup de Coeur Yvon Lambert - Jeune Création (2013). Elle est actuellement doctorante SACRe (bourse ENSBA).

La Fin de l’Asphalte rassemble les derniers travaux d’Elizaveta Konovalova, principalement photographiques et vidéos, autour des « textures signifiantes » des choses. L’objet complet, sa forme indemne, suscite rarement l’intérêt de l’artiste. L’objectif de son appareil se penche sur un fragment de mur, de sol, de peau… et fixe un état particulier de la surface, sa texture, son relief, son grain, mais aussi sa couleur, le rythme visuel crée par les rugosités, les creux ou les taches. Il ne s’agit pas de documenter la matérialité propre à tel ou tel objet, mais plutôt de mettre en évidence une texture ajoutée, une couche signifiante liée à une altération, un endommagement. Tantôt les traces de touchers délicats s’impriment en douceur, comme des dépôts de poussière ou de suie. Tantôt ces surfaces sont scarifiées d’actions plus violentes : chocs, entailles, brulures, trous… Enfin nous sommes en présence des traces d’une catastrophe, que donne à voir la défragmentation absolue de l’objet. Ces marques, matérielles, sont les témoins d’un événement : celui de l’impact, qui a perturbé la quiétude de l’objet. Cet impact distingue l’objet de ces semblables, comme une cicatrice qui individualise un corps.

Elizaveta Konovalova se penche alors sur la spécificité de la trace, celle qui témoigne du caractère et du type d’interaction qui a eu lieu. Elle s’intéresse avant toute chose à la préservation et la retranscription documentaire de ces images-preuves. On pense immédiatement à la photographie scientifique : du détail de l’enquête criminelle au survol de la cartographie aérienne. Néanmoins, dans son coté formel le cadrage n’est pas anodin : l’artiste isole puis expose un fragment particulier de la surface ou le grésillement des imperfections s’articule dans une composition parfois plaisante, parfois angoissante. En outre, les références historiques et artistiques jouent ici un rôle important. Les impacts d’Elizaveta Konovalova évoquent tour à tour les toiles de Pollock ou de Twombly, le champ de poussière de Duchamp. Toutefois le sujet même de l’impact acquiert dans son travail une signification à part entière. A Paris par exemple elle pointe les marques légères, laissées au sol du métro par les instruments de musiciens de rue (Persimfans). A Moscou ce sont les dessins de cendres de cigarettes écrasées sur les murs de lieux publiques qui attirent son attention (Soot). A Kaliningrad, toujours imprégnée du souvenir de la Seconde guerre mondiale et marquée par un nouveau vandalisme, Elizaveta Konovalova explore les vestiges de l’architecture allemande saccagée (Melanktonkirche), s’attarde sur les bâtisses écrasées parfois  jusqu’aux fondations, remarque une fenêtre criblée d’impacts de balles sur le palier d’un immeuble (Impact). A Vladivostok, contrée la plus lointaine de la Russie, ou la civilisation lâche prise et «l’asphalte finit» réellement, elle photographie, sur les bords de route, les motifs végétaux, cristallisés dans un monochrome de poussière.

Les textures des déformations obtenues témoignent de traces quasi biographiques. Elles rattachent toute chose (il en est de même pour une œuvre d’art) à l’histoire et à la géographie, à un type particulier de civilisation. Les objets sur lesquels s’attarde Elizaveta Konovalova, fixés dans le système de coordonnées temporel et spatial, s’inscrivent dans un chronotop* et acquièrent donc une concrétude contextuelle et leur place au sein d’une réalité en constante évolution. Le chronotop de l’œuvre est garant de sa pertinence, de son adéquation avec le moment courant, c’est à dire de la justesse de la déclaration artistique. Pourtant cette aspiration constante de l’art, se retrouve bien souvent mise à l’écart par l’académisation de la méthode créatrice, qui fait dévier les artistes vers la production d’objets autosuffisants, détachés du contexte. Bien consciente de ce danger, Elizaveta Konovalova oriente sa recherche vers l’interaction entre les objets, et non l’hermétisme de la chose en soi.

Andrei Erofeev

* terme employé par le philosophe russe Mikhaïl Bakhtine


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