L'histoire du maquillage

Dans l’Ancien Testament il est écrit qu’Azazel, le dixième ange déchu, chef suprême des mauvais anges, apprit aux hommes à fabriquer les épées et les glaives et l’art de peindre les yeux à l’antimoine et le fard pour embellir les paupières.

 

Dans l’Ancien Testament il est écrit qu’Azazel, le dixième ange déchu, chef suprême des mauvais anges, apprit aux hommes à fabriquer les épées et les glaives et l’art de peindre les yeux à l’antimoine et le fard pour embellir les paupières.

Est-ce pour cela que l’on considère le maquillage comme une arme ? Le maquillage peut masquer le visage ou le protéger du soleil, il peut le faire paraître plus jeune ou le rattacher à une catégorie sociale particulière : pendant longtemps, il fut réservé aux prostituées.

Dans les sociétés tribales, il détermine le statut de l’individu à l’intérieur de la communauté et lui donne une étiquette. Il peut également être utilisé comme une protection. Le fard des Égyptiens les protégeait contre le soleil.

Auparavant, les prêtres se peignaient le visage pour impressionner les foules et paraître devant leur dieu sous les meilleurs auspices. Mais ils pouvaient aussi, suivant le maquillage, demander une faveur aux dieux. À chaque peinture correspondait un vœu.

Les Indiens d’Amérique se peignaient de façon différente quand il s’agissait de s’identifier à leur tribu, dans les fêtes rituelles ou quand ils déclaraient la guerre.

La peinture du visage et du corps a toujours été un acte lourd de signification. Dans de nombreux pays, danses et maquillages vont de pair, dans le but de créer un état second. Peintures de guerre ou de séduction, il s’agit, dans les deux cas, de masquer le naturel et d’envoyer une image en adéquation avec la situation à vivre. Dans le premier cas, il s’agit d’avoir l’avantage en faisant peur, dans le deuxième de mettre en valeur certaines parties de notre anatomie. Dans les deux cas, il faut gagner la guerre.

Comme les vêtements, la coupe de cheveux, les bijoux ou le parfum, le maquillage peut être mis et ôté à volonté, il s’adapte à l’humeur et évolue avec la mode.

Pour saint Thomas, le luxe est condamnable. Tout ce qui n’est pas indispensable à la vie est un luxe. Il choque la modestie, cependant, quand il correspond à une fonction, il est permis. Par exemple une femme mariée peut se parer afin de garder son mari.
Tromper ou améliorer, les significations sont différentes suivant la période de l’histoire qui est concernée.

Les réticences viennent le plus souvent des religions, parfois de la société quand cela peut déboucher sur trop de désordres ou nuire. Refus de l’artifice ou acceptation, la balance oscille entre les deux. Pour les religions, c’est faire outrage à Dieu, c’est un péché d’orgueil que de tenter de modifier son œuvre, de croire qu’on peut faire mieux que lui. Dieu donne à l’homme une enveloppe, son corps, pour sa vie terrestre, cette enveloppe ne doit pas être transformée ou abîmée. Dans le cas contraire, c’est faire un pacte avec le diable, c’est un appel à la séduction. C’est un danger moral : une femme saine de corps et d’esprit n’a pas besoin d’artifice ; dans le cas contraire, elle laisse planer un doute sur sa vertu. C’est un danger physique. Les produits utilisés peuvent être dangereux, même si on utilise plus de céruse ; un produit peut tourner avec la chaleur, on peut y être allergique...

Alors !
Respect des lois de la nature en s’acceptant tel que l’on est et en refusant tout ce qui est artifice, ou acceptation de ce dernier en considérant que, pendant un instant, on échappe à la réalité en se donnant un autre visage plus engageant, plus sexy, témoignage de notre personnalité rêvée. Il faut, pour cela, que le maquillage s’adapte au visage, d’où le danger de la mode, qui propose des « types » malheureusement pas adaptés à toutes et à tous. Certains l’ont bien compris et Fernand Aubry, dans les années soixante, a inventé le concept de visagisme, suivi rapidement par les entreprises de « relooking » ainsi que par celles de conseil en expression et en communication.

Pour eux, le maquillage optimise l’apparence autant qu’il renforce les limites du Moi, préservant le sujet d’agressions multiples à l’aide de produits censés servir de boucliers tout en permettant un meilleur épanouissement. L’individu est alors persuadé qu’en figeant son apparence à un moment donné, il échappe aux métamorphoses et évite le vieillissement.

De quelle beauté parle-t-on ? De la beauté naturelle qui n’utilise aucun artifice, aucun faire-valoir, ou d’une beauté acquise grâce à des soins spécifiques ? Toutes les femmes ne ressemblent pas à Vénus. Si on écoute les préceptes de l’Église, la femme doit être essentiellement tournée vers la famille et la procréation, donc seule une minorité peut attirer notre regard, les autres étant immédiatement condamnées à l’ignorance. Il n’y a pas de place pour le plaisir ou le désir.

De tout temps, la femme a cherché à améliorer ce que la nature lui avait donné, et souvent au détriment de sa santé. Les siècles ont passé, et les progrès ont permis d’améliorer ce qui a toujours été d’actualité : les produits de maquillage. Pour donner bonne conscience à certaines d’entre nous, ils sont devenus produits de soins. Le maquillage devient alors protecteur de la peau en éloignant tout ce qui peut l’abîmer comme la pollution.

Maquillage plaisir des sens avec, en corollaire, l’angoisse omniprésente de ne pas obtenir le résultat souhaité. Maquillage masque pour se cacher, pour tromper, maquillage qui, en améliorant les traits, donne de l’assurance. Maquillage thérapeutique pour reprendre confiance en soi, pour cacher une maladie par laquelle nous nous sentons diminués. Maquillage de professionnel qui, sur photo, nous fait paraître plus nature que nature. Maquillage qui tue la vraie personnalité en l’affublant d’un autre personnage. Les travestis profitent de l’opportunité en essayant de reproduire le masque d’une femme, créant ainsi une ambiguïté qui intrigue et attire. Les jolies filles, quand elles sont conscientes de leur beauté naturelle, ont moins besoin d’artifices et ne font pas – ou peu – appel au maquillage. Maquillage stimulus, qui permet, dans la séduction ou dans l’expression de l’agressivité, d’amplifier le message qu’on veut faire passer. Tout comme le caricaturiste qui accentue ou réduit certains traits, le maquillage, en suivant la mode, privilégie la bouche ou les yeux en focalisant le regard sur une partie du visage mise en vedette.

Un adulte a tendance à préférer un visage dont les traits sont réguliers, avec de grands yeux et des pommettes bien dessinées. Cette préférence est d’ordre biologique, car la symétrie évacue la suspicion d’anomalies génétiques ou de déficiences.

L’individu oscille entre conformité et singularité, entre rester soi- même ou s’adapter à la mode. Pour être accepté par la « tribu », il ne faut pas faire de vagues, mais rentrer dans le moule.

Certains n’hésitent pas à revendiquer leur liberté par rapport aux critères conventionnels de la beauté, et recourent aux tatouages, implants, piercing et autres scarifications, créant ainsi de nombreux canons esthétiques.

Dans les années soixante-dix les punks scandalisaient l’Angleterre puritaine avec leurs maquillages outranciers, coiffures en crête, tatouages, épingles de nourrice en piercing, et vêtements déchirés et scarifications. En voulant se différencier, ils créaient un nouveau genre où ils se ressemblaient, révélant leur attirance pour le chaos. S’enlaidir était un moyen de se couper des conventions sociales.

Dans les sociétés traditionnelles surtout rurales, chaque individu se soumet aux critères de beauté du groupe. L’apparence est contrôlée. En assurant la cohésion du groupe, on se fait accepter.
Souffrir pour être belle, maxime de nos grands-mères, est toujours d’actualité.

En allongeant la durée de vie, on a tendance à prolonger la durée de la jeunesse apparente. La vieillesse est vécue comme un désastre qu’il faut masquer (chirurgie, maquillage).

La nouvelle vieillesse repose sur une culture de l’effort et oblige à un constant travail sur soi : régime, gymnastique, soins de beauté. Les marques de l’âge sont considérées comme une démission. Tout devient affaire de mise en scène et le maquillage gomme les imperfections par ce que l’on appelle « se faire une beauté ».

Comme Dorian Gray, les nouveaux vieux voudraient paraître jeunes dans leur miroir, laissant leur image se dégrader au grenier.

 

Martine Tardy

 

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