Communiquer : être et paraître

Qu’est-ce que communiquer ? Pas évident de répondre simplement à cette question tant ce terme est devenu fourre-tout. De fait, transmettre des informations, c’est communiquer. Créer un site Internet, c’est communiquer. On parle à longueur de journée des nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC). Au sein d’une entreprise, un département s’occupe de la communication interne et externe. Il s’agit là de la communication institutionnelle. Les agences publicitaires affirment également qu’elles font de la communication. Et tout cela est juste si l’on prend la définition élargie de la communication : mettre en commun, partager un message, le diffuser par divers canaux.

Qu’est-ce que communiquer ? Pas évident de répondre simplement à cette question tant ce terme est devenu fourre-tout. De fait, transmettre des informations, c’est communiquer. Créer un site Internet, c’est communiquer. On parle à longueur de journée des nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC). Au sein d’une entreprise, un département s’occupe de la communication interne et externe. Il s’agit là de la communication institutionnelle. Les agences publicitaires affirment également qu’elles font de la communication. Et tout cela est juste si l’on prend la définition élargie de la communication : mettre en commun, partager un message, le diffuser par divers canaux.

À mon sens, la communication qui nous importe dans cet ouvrage est la plus vitale, la plus essentielle. C’est celle que l’on vit, à son corps et à son âme défendant, de sa naissance à sa mort, et même durant la période intra-utérine. À cette communication-là, nul n’échappe. Il serait bon de la distinguer de toutes les autres « communications ». À cet effet, qualifions-la de « comin ».

« Mon credo est que communiquer, c’est paraître », affirme la directrice de la communication d’un grand groupe industriel au cours d’un de nos débats participatifs. « Je m’inscris en faux. Communiquer, c’est être », lui répond Olivier, psychothérapeute de couple. « Il y a dans toute communication une expression de son être le plus profond », poursuit-il.

Au fond, la communication est toujours un alliage entre l’être et le paraître.

Selon les logiques internes, les buts poursuivis, le moment choisi et les acteurs en présence, on observe une prédominance de l’une ou de l’autre de ces deux facettes.
Ces dernières décennies, le paraître a pris une place de plus en plus prégnante dans l’univers de la communication.

Or, nous sommes très ambivalents, en France, vis-à-vis des apparences.
D’un côté, on pense qu’il faut s’en méfier, que l’habit ne fait pas le moine, qu’elles sont là pour nous tromper, nous induire en erreur. Bref, les apparences seraient toxiques. Il existe toute une approche moralisatrice des apparences.

De l’autre, on est bien conscient de leur importance. Dans son ouvrage Le Poids des apparences, le sociologue Jean-François Amadieu précise que, à compétences équivalentes, une personne au physique avenant a sept fois plus de chances d’être retenue pour un emploi qu’une autre présentant moins bien.

« Les apparences, c’est du boulot », tel était le titre du documentaire d’Ivan Frohberg et Rafik Zénine, diffusé sur ARTE en mai 2013, dans lequel ils accompagnaient des stagiaires demandeurs d’emploi lors d’une formation sur la présentation de soi et recueillaient leurs témoignages.

« Le capital beauté est une chance », affirme Amadieu, au cours du reportage.
Cela commence même bien avant la vie professionnelle.

Une étude de l’INRP menée en 2009 a montré qu’un enfant au physique gracieux avait 65 % de chances supplémentaires de recevoir une bonne note par rapport à un enfant moins beau.
Au cours de ce séminaire, les stagiaires furent invités à travailler leur image.

« Ce sont les classes dominantes qui maîtrisent les codes des apparences », écrivait le sociologue Pierre Bourdieu dès les années soixante-dix.

Au quotidien, nous sommes en représentation de nous-mêmes. Nous jouons des rôles. « Le monde entier est une scène où tous, hommes et femmes, sont de simples acteurs », écrivait Shakespeare dans sa pièce Comme il vous plaira. En écho au dramaturge du xviie siècle, le sociologue américain Erving Goffman évoquait « la mise en scène de la vie quotidienne ». Avoir une image avenante, agréable est un atout maître. Les enquêtes récentes auprès des services de recrutement démontrent même que la façon de se présenter, son apparence physique, représente le critère de sélection numéro un, avant même les compétences. Il est important d’avoir une image qui inspire confiance.

Nul n’ignore qu’il existe un dress code, et que chaque secteur d’activité dispose du sien : celui des assistantes de direction n’est pas identique à celui des enseignants. Celui des commerciaux diffère de celui des chercheurs. Les rôles sociaux ont donc leurs costumes. Et celui qui se distingue se positionne comme un original.

« Mon collègue Jean-Marc vient au travail en jupe pour hommes Jean-Paul Gauthier », affirme Manuel, 51 ans, gestionnaire à la Banque européenne d’investissement. On peut imaginer combien Jean-Marc dénote au sein d’une institution aussi « normative » que peut l’être une banque d’affaires. « Il faut bien comprendre la place qu’a prise la mise en scène de soi, affirme le sociologue Jean-François Amadieu, directeur de l’observatoire des discriminations. L’important est d’avoir l’air. »

Quand on privilégie « l’être » dans sa communication, on a un désir d’authenticité.
Quand on privilégie le paraître, on a une quête de crédibilité.

Dans la communication à dominante « paraître », l’être est obscénisé (du latin obscenus qui signifie à l’origine « de mauvais augure »). Il est dénié. Mais il est toujours présent. On assiste toujours, un jour ou l’autre, à un retour du refoulé.

Cette communication du paraître est à dominante manipulatoire.
C’est très exactement celle pratiquée par les conseillers en communication quand ils font de la communication de crise. Lorsque le Crédit Lyonnais a vu son image ternie par toutes les affaires des années quatre-vingt-dix, il a fallu redorer son image, et renforcer « la crédibilité » de la structure pour que des clients lui fassent à nouveau confiance. Qu’ont fait les « communicants » ? Ils ont mis en place des campagnes de publicité à répétition, spots télévisés dans lesquels nombre d’acteurs célèbres se font convaincre d’ouvrir un compte au Crédit Lyonnais, rebaptisé LCL pour les besoins de la cause.

C’est également la communication que pratiquent les conseillers en communication des politiques.
Le président de la République ne fait pas assez président. Qu’à cela ne tienne, on va lui concocter un plan com pour le « représidentialiser ».

Au passage, c’est le problème qu’ont vécu, pour des raisons différentes, les deux derniers présidents de la République français en date : Nicolas Sarkozy et François Hollande.

Pour ce dernier, ses conseillers se sont rendu compte, sondages à l’appui, que les commémorations le « présidentialisaient ». Qu’ont-ils fait ? Ils ont mis le paquet sur les commémorations. Le 3 août 2014, on assista même à une grande première : la commémoration, entre les deux présidents français et allemand, du début de la guerre de 1914-1918.

La politique est un milieu où la communication à dominante manipulatoire est prépondérante. En politique, paraître, c’est être. Un leader politique est considéré comme un produit par ses conseillers en communication, qui vont user des outils du marketing pour bien le « vendre » aux électeurs. Le but est qu’il soit élu. À cet effet, il doit séduire des électeurs.

Tout le monde connaît l’anecdote : lors de la campagne présidentielle américaine de 1960, la différence entre les deux candidats JFK et Richard Nixon s’est jouée lors de leur débat télévisé. JFK est apparu, aux yeux des téléspectateurs, jeune, fringant et bronzé, alors que, face à lui, Nixon paraissait pâlot. JFK avait bonne mine, or il était très malade. Et son teint hâlé était lié à la grave maladie dont il souffrait depuis des années. Cela lui a permis d’être élu.

Une étude du CEVIPOF (Centre d’études de la vie politique française) de mai 2014 montre que 75 % des électeurs déterminent leurs choix de vote sur des ressentis, des émotions, plutôt que sur des arguments logiques. L’irrationnel prime sur le rationnel.

À l’aune de ces résultats, les conseillers en communication politique ont raison d’emprunter la voie du paraître.

Dans le même temps, les électeurs sont 88 % à déplorer le manque d’authenticité chez les hommes politiques, 77 % à les considérer comme corrompus et 89 % à estimer qu’ils ne tiennent pas leurs promesses. Le jeu de la communication politique a des inconvénients majeurs. L’hypocrisie en fait partie.

Entre l’émancipateur et le manipulateur, la différence ne réside pas dans les outils utilisés mais dans les finalités.

L’émancipateur vous prend par la main, vous demande où vous souhaitez aller, et vous aide à vous y rendre.

Le manipulateur vous prend par la main, lui aussi, mais vous emmène là où lui désire que vous alliez.
La différence est de taille. Dans le premier cas, une personne se centre sur le désir de l’autre, et use de ses qualités d’empathie pour communiquer d’une façon altérocentrée.

Dans le cas des manipulateurs égocentriques, la personne se centre sur son désir et communique avec l’autre dans l’optique de l’utiliser pour son projet.

La communication à dominante Haute Qualité Relationnelle® privilégie l’être plutôt que le paraître. C’est une communication à dominante émancipatrice.

Elle a pour objectif d’aider les individus à se libérer de tous leurs carcans, de toutes leurs prisons mentales, de toutes les relations toxiques qui leur empoisonnent l’existence, et à atteindre leurs objectifs.

Dans ce culte de l’image, cette hégémonie du paraître, il faut se demander « jusqu’où ne pas aller trop loin » ? À quel moment est-ce excessif ? Où est la limite ? Quand rentre-t-on en zone dangereuse ?

L’importance de la posture risque d’aller jusqu’à l’imposture.
C’est la stratégie du caméléon. À force d’user de sa séduction, on trompe le cerveau de l’autre. On dupe les masses. C’est tout le sens du storytelling que développe Christian Salmon dans son ouvrage de 2011. On construit un récit de vie, un roman de l’homme politique et au besoin, on brode afin que « l’homme-produit » soit encore plus désirable. Toute personne qui souhaite se vendre pratique ce que les Américains appellent le personal branding et utilise les techniques du marketing au service de son autopromotion.

« Nous vivons à l’ère de l’hyper-exhibition, physique, médiatique et numérique, assure le psychanalyste Gérard Bonnet dans son nouvel ouvrage La Tyrannie du paraître. De fait, la question « Faut-il se montrer pour exister ? » est de celles qui, en une poignée d’années, sont passées du champ sociologique à celui de notre quotidien. L’enjeu est de taille : s’ingénier à montrer en permanence son meilleur profil afin d’acquérir statut, stature, notoriété ou un certain charisme. Tout cela est devenu banal. Mais les dangers sont évidents.

Dans le film Superstar, l’anti-héros Martin Kazinski devient « une vedette malgré lui ». Il ne souhaite pas devenir célèbre. Il ne court pas après la notoriété. Mais un emballement médiatique fait de lui une nouvelle vedette du jour au lendemain. À partir de cet instant, sa vie devient un enfer. Il est traqué dans la rue par tous les quidams qui lui demandent un autographe. Il perd son travail, sombre dans une profonde dépression et se laisse couler.

Adapté du roman de Serge Joncour L’Idole, le film dénonce les dérives de ce système médiatique et de la culture « people » qui, via la télé-réalité, peut faire de n’importe qui une « personnalité » en une fraction de seconde. « On nous Claudia Schiffer, on nous Paul-Loup Sulitzer, ah ! le mal qu’on peut nous faire », dénonce la chanson d’Alain Souchon.

Au fond, Martin Kazinzki, ça peut être tout le monde.

 Christophe Medici

 

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